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21 octobre 2009 3 21 /10 /octobre /2009 06:28

-              La preuve, qu’est-ce que c’est ?

      -         Ce qui démontre infailliblement qu’on a raison.

      -         Tu en as des exemples ?

      -         Oui : quand tu mets une femme au feu, si elle ne brûle pas, c’est qu’elle est sorcière

      -         Et si elle brûle ?

      -         C’était une honnête femme

      -         Et le jugement de Dieu, qu’est-ce que c’est ?

      -        Si tu mets un fer rouge sur la main du supposé coupable la main doit rester intacte

-         Et s’il a une marque ?

-         C’est qu’il est coupable. On n’a même plus besoin de le soigner puisqu’il est coupable.

-         Si les souris meurent quand on leur ingurgite des huîtres, c’est que les souris sont coupables et que les huîtres doivent être interdites aux hommes…

-         Parce que les hommes  sont des souris ?

-         On a déjà vu çà dans un conte de Perrault.

-         Au fond, la preuve, c’est ce qui confirme ce qu’on veut affirmer.

-         On n’a jamais hésité face à la preuve ?

-         On recherche d’abord la preuve absolue, la preuve par neuf, la preuve par l’aveu.

-         Une preuve par l’épreuve

-         Que veux-tu dire par là ?

-         La baignoire, la gégène, …C’était efficace, çà

-         Parce qu’il faut que la preuve soit efficace ?

-         Que veux-tu qu’elle soit ?

-         Toujours vraie, infaillible. C’est difficile depuis que le cachet de la lettre ne fait plus foi…

-         Mais si mais si, elle fait toujours foi.

-         À condition qu’il y ait un cachet avec la date et le lieu de départ. Je n’en vois plus nulle part aujourd’hui.

-         Que veux-tu prouver ?

-         Que tout le monde s’en fout, de la preuve. Surtout depuis qu’un yaourt prétend avoir des qualités « scientifiquement » prouvées.

-         C’est que c’est sérieux l’infaillibilité alimentaire.

-         Mais si elles ne sont pas détaillées les preuves « scientifiques »( ?), ne sont pas crédibles..

-         À trop vouloir prouver on s’embrouille les pattes.

-         C’est ce qui est arrivé à Outreau.

 Photographies de Jean Nogrady

 

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20 octobre 2009 2 20 /10 /octobre /2009 06:53

-         Tu as vu ton journal ? On parle d’un présumé innocent

-         Ce n’est pas nouveau, çà

-         C’est justement ce qui me chagrine.

-         Qu’est-ce qui te chagrines ?

-         Pourquoi ajoute-t-on présumé s’il est innocent ?

-         Ça veut dire qu’on ne le croit pas innocent mais qu’on hésite à le dire.

-         Pourquoi ne pas dire présumé coupable ?

-         Parce que tout le monde le croirait coupable et qu’on hésite à sévir.

-         Un présumé innocent c’est un présumé coupable ?

-         C’est plus subtil que çà

-         Le principe de précaution c’est bien qu’un innocent ne soit pas déclaré coupable.

-         Présumé ou pas, ce n’est qu’une façon de dire

-         Oui mais pas une façon de comprendre. Si quelqu’un n’est pas déclaré coupable, c’est qu’il est innocent

-         En principe mais comme on ne peut pas enfermer un innocent…

-         Mais on peut enfermer un présumé innocent.

-         Tout à fait.

-         On le dit présumé coupable

-         Non, présumé innocent

-         C’est pareil puisqu’ il est déjà coupable aux yeux de la presse.

-         Et aux yeux de ses voisins, des ragots du village.

-         J’ai déjà vu çà quelque part dans Figaro.

-         Le grand air de la calomnie ?

-         Exactement.

-         Tu veux dire que la justice est mère de la calomnie ?.

-         C’est un peu çà. Du moins elle y prédispose.

-         C’est pour çà qu’elle a les yeux bandés.

-         Tu pourrais peser quelque chose, toi, les yeux bandés ?

-         Non, bien sûr mais ce serait plus simple s’il n’y avait que des innocents et des coupables

-         C’est bien ce qui arrive à la fin.

-         La fin de quoi ?

-         La fin du procès.

-         Qu’arrive-t-il si un présumé innocent est reconnu coupable ?

-         On en fait la Une du quotidien

-         Et s’il est reconnu tout à fait innocent?

-         On ne dit rien

-         Mais c’est dégueulasse. Tout le monde le croira coupable alors qu’il est innocent.

-         Innocent à demi.

-         Çà existe, çà, innocent à demi ? Espèce de jésuite.

-         Souviens toi des proverbes : il n’y a pas de fumée sans feu, tel père tel fils, sui vole un œuf vole un bœuf... Quand la race ne s’en mêle pas, encore, çà peut passer.

-         Mais c’est de la médisance !

-         Pas aux yeux de la justice souveraine et glaciale.

-         Pourquoi ne fait-on pas la une des journaux en reconnaissant l’innocence d’une personne injustement bafouée ?

-         Si tu crois qu’on reconnaît facilement une erreur, toi !

-         J’espère qu’on donne un diplôme d’honneur de reconnu innocent, qu’on l’affiche sur la porte de son logement, qu’on fait battre le tambour de ville pour l’annoncer à la cantonnade...

-         Quelquefois on donne de l’argent

-         Parce que l’honneur, çà se vend à la sauvette chez vous ? Présumé  çà ne veut dire « sûrement » ?

-         Où vas-tu chercher çà, toi ?

-         En Afrique. Quand Stanley a rencontré Livingstone – le seul blanc à s’y balader à l’époque, tu sais ce qu’il lui a dit ?

-         « Livingstone, I presume, »

-         Tu vois, il en était sûr

-         Oui mais çà c’est de l’anglais.

-         Comment veux-tu qu’on dise alors ?

-         J’appelle un chat un chat, et un innocent pour moi, ce n’est pas un présumé.

 

 Photographies de Vincent Gaillères

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19 octobre 2009 1 19 /10 /octobre /2009 07:17

      -         Il y a longtemps que tu es girondin? me dit un jour mon chat à brûle-pourpoint

      -         Depuis la nuit des temps

      -         C’était quand, çà ?

      -         L’époque avant l’ordinateur.

      -         Tu as trouvé çà sur internet ?

      -         Non puisqu’il n’y avait pas d’ordinateur pour le relever.

      -         Tu fais de la généalogie alors ?

      -         Je n’aime pas çà

      -         Pourquoi ? Tu as peur de te trouver un ancêtre ci-devant raccourci ?

-         J’ai surtout peur que si je me trouvais un ancêtre ci-devant, mon ego en gonflerait de façon démesurée

-         Déjà qu’i l n’est pas mal exagéré.

-         Allons rassures-toi j’ai derrière moi trois mille ans de roture sans mésalliance

-         Comment le sais-tu ?

-         De bouche à oreilles : de mon père à mon grand père, mon arrière grand-père et ainsi tout au long de la chaîne de galère

-         Parce que tes ancêtres étaient galériens ?

-         Façon de penser et de vivre

-         Girondins depuis si longtemps et n’avoir jamais rien dit de Gironde

-         Et pour quoi comptes-tu mon histoire de la Gironde, mon enfance girondine, Arcachon au temps de Napoléon III, mes contes de la mer de la lande et du vent, mon Dictionnaire de la lande, Notre-Dame des Passes etc.

-         C’est toi, tout çà ? Et rien sur internet ?

-         Si, si tu veux des nouvelles de la vie culturelle et des images du Bassin d’Arcachon, tu fais http://www.academiedubassindarcachon.blogspot.com. Tu verras, c’est moi qui le tiens.

  
-
         Tu n’en as pas marre quelquefois ?

      -         C’est pour çà que je parle de mon voyage en Corse : le pays le plus proche où l’on puisse se dépayser à bon compte.

      -         À coups de bombes ?

      -         Çà, c’est Lady Marianne qui le dit

      -         Et la Gironde, alors ?

      -         Je compte sur toi et tes contes girondins

      -         Tu veux me faire travailler ?

      -         Travailler ? Je sais que tu brûles d’en raconter. Tu prends l’ordinateur pour le prochaine nouvelle

       - Ces deux pattes, ils sont incroyables !




Photographies de Vincent Gaillères
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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 11:02

-         Pourquoi ne m’as-tu pas raconté le tour complet du Cap l’autre jour ?

-         Parce que je voulais t’inviter à manger une langouste à Centuri.

-         Vous ne pensez qu’à manger quand vous êtes en Corse ? Jambon, langouste, figatellu, bruccio, fromages, et j’en passe… Il n’y a rien d’autre à voir à Centuri ?

-         Si un gentil petit port et des maisons serrées aux toits de lauze verte.

-         Des toits verts et des langoustes rouges.

-         Les langoustes ne sont rouges que lorsqu’elles sont cuites.

-         Comme les crevettes ?

-         Oui.

-         J’adore les crevettes décortiquées. Après çà, où m’amènes-tu ?

-         Au moulin Mattéi. Il faut marcher un peu, çà te fera digérer

-         Digérer quoi ? Tu ne me les as pas donnée ces langoustes. Tes promesses, tu ne crois pas que ce sont des promesses de gascons.

-         Je tiens toujours mes promesses.

-         Qu’est-ce qu’il a de particulier ce moulin ?

-         Il porte en gros le nom de son propriétaire

-         C’est très impérial, çà

-         Il se prénomme d’ailleurs Napoléon.

-         Pourquoi il a mis son nom ? Il avait peur qu’on le lui fasse sauter ?

-         Non, il avait peur de ne pas assez vendre d’apéritif

-         Quel apéritif ?

-         Du Cap Corse Mattéi

-         On le voyait de loin ?

-         Pas trop mais les bateau ne passaient pas loin.

-         On aurait pu mettre d’autres moulin

-         On a mis plein d’éoliennes

-         Ils portent le nom du propriétaire ?

-         Ils n’osent pas et pourtant ce sont des moulins modernes. Ils sont comme des moulins d’enfants.

-         On va en mettre sur la dune du Pilat alors, et sur le banc d’Arguin.

-         Je ne crois pas qu’on aimerait çà

-         Mais puisqu’on en met tout plein sur le Cap Corse.

-         Oui mais le Cap Corse, c’est là-bas, la dune du Pilat, c’est chez nous et les touristes veulent la voir nue.

-         Parce qu’il n’y a pas de touristes au Cap Corse ?

-         Si mais là où on les a mises, c’est un bout du monde

-         Comme le dune du Pilat.

-         La dune du Pilat, c’est un but pour tout le monde et pas un bout du monde.

-         Mais les bateaux, ils les voient, tes éoliennes.

-         Non, parce que , de nos jours, ils naviguent la nuit et qu’ils passent au large.

-         Je comprends. Les Corses, qui sont écolos veulent de l’électricité et ils s’en donnent les moyens sans protester. Ils sont logiques au moins. C’est pas comme chez nous

-         Arrête de me provoquer. Je vais t’amener à Erbalunga

-         C’est quoi, çà ?

-         Un village de touristes : une presqu’île, une tour gênoise, des maisons serrées autour d’une rade fermée par une digue de pierres vertes.

-         Et des marins

-         Surtout des peintres.

-         Parce qu’on fait des peintures en Corse ?

-         Bien sûr puisqu’il y a plus de maisons de peintres qu’il y a de maisons de marins . Mais là je crois que tu te fous de moi.




Photographies de Paul-Yvan Béna

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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 07:42

Alors, tu as fini de donner des prix à tort et à travers?
- Qu'est-ce que ça peut te faire?
- Pendant ce temps tu ne t'occupes pas de moi. Quand tu étais absent je savais que tu allais revenir maintenant, je me demande si je ne dois pas aller retrouver la voisine et son chien.
- Pour quelques nouvelles et un peu de poésie...
- Tu sais seulement ce que c'est que la poésie?

La poésie, c’est une chanson, une expression, une passion, le besoin de vivre et de le dire. La poésie n’est pas neutre : cri de passion, douceur d’un rêve, c’est une part de soi qu’on arrache pour la donner à lire, pour la donner à vivre. Elle est un dépassement de la pensée, un déchirement de notre nuit.

 

La poésie c’est le  miroir des civilisations. Toutes les civilisations ont leurs poètes qui sont leurs meilleurs interprètes parce qu’ils vont au fond des choses, parfois jusqu’à l’audace         .

La poésie, c’est le théâtre des mots. C’est l’expression d’une personnalité, d’une intimité. Une intimité absolue. Tout poète est une exception. C’est pourquoi il est difficile de juger de poésie. Elle a besoin d’un émetteur, le poète, d’un récepteur, le lecteur, et d’une certaine symbiose autour du langage que nous aimons dans ses formes les plus durables, les plus pures, les plus sonores. Elle a ses répercussions au plus profond des autres. Et ce sont les autres qui la jugent.

- Et moi, je ne suis pas un poème en moi-même
- Sans doute puisque les deux premiers prix de poésie ont été fonné : le premier à un poème intitué "le chat" et le second "le retour du chat"
- Alors, je te pardonne

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15 octobre 2009 4 15 /10 /octobre /2009 10:30

-         Tu veux un autre conte ?

-         Non, cette fois-ci, c’est à moi à te parler de mon voyage

-         Si tu veux mais tu n’échapperas pas à mon recueil de contes

-         Parce que tu en as fait un recueil ?

-         Tu n’étais pas là, je n’allai pas rester à ne rien faire.

-         Aujourd’hui je vais te parler du Cap

-         Je connais déjà le Cap Ferret

-         Ce n’est pas pareil parce que le Cap Corse tu le prends d’un seul côté, de Saint Florent à Bastia

-         Et vice-versa

-         Non, pas versa, parce que dans l’autre sens tu risque de « verser » à la mer que la route suit tout au long ou presque.

-         Tandis que de l’autre côté ?

-         Tu as les rochers pour glissières.

-         Alors, à Saint Florent ?

-         C’est la mer, c’est le port, c’est le vin de Patrimonio.

-         Çà commence bien. Pour souffler dans le ballon…

-         Tu n’es pas obligé d’en boire

-         Çà sert à quoi alors d’en voir si tu ne peux pas en boire ?

-         À t’imbiber du paysage

-         J’aurais préféré m’imbiber de vin. Ça doit aider pour les tournants.

-         Je t’avertis que la route n’est pas facile Je ne vais pas tout te raconter, ni les tours gênoises, ni les marines…

-         C’est un pays de marins ?

-         Le pays marin de la Corse, excepté pour Sénèque

-         Que vient faire Sénèque ici ?

-         Il y fut exilé en plein cœur du Cap.

-         Où çà

-         Dans la tour de Sénèque

-         Elle s’appelait déjà comme çà ?

-         Non, bien sûr

-         Alors si c’est lui qui lui a donné le nom, il a dû aimer le pays ?

-         Il n’aimait pas du tout la Corse ni sa tour qu’il n’a pas connue parce qu’elle n’a été construite qu’au début du Moyen-Age.

-         Les cap-corsins non plus ne devaient pas aimer le pays puisqu’ils sont partis en Amérique du Sud.

-         Mais ils sont revenus construire tout autour de Pino des tombeaux beaux comme des palais.

-         Ils étaient riches ?

-         Très riches.

-         Il y a donc des riches en Corse ?

-         Ceux qui ont fait fortune ailleurs

-         A quoi ça sert d’élever des tombeaux comme des palais ?

-         A dormir en paix

-         Parce qu’on ne fait pas sauter les tombeaux ?

-         Toi, je vois que tu lis trop la presse continentale. Tu auras la suite demain.

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14 octobre 2009 3 14 /10 /octobre /2009 07:36

-         Puisque tu n’as pas le temps de me parler de ton voyage de Corse, je vais te raconter une histoire de vendanges. C’est la saison, non ?

-         Comment connais-tu toutes ces histoires ?

-         Que crois-tu que j’ai fait pendant ton séjour corsicain ? Que je t’attendais en miaulant ?

 

Et sans plus attendre, mon chat commençait :

« Roberto n’avait que treize ans et ses parents le louaient déjà pour les vendanges.. Il suivait les troupes de coupeurs de grappes et de porteurs de bastes qui sillonnaient alors les vignobles. Ce qu’il aimait, à l’heure où les garçons, les mains pleines d’alicanthe, « coursaient » les filles pour leur en écraser les grappes sur le visage ou, pour les plus hardis, sous les jupes, c’était rêver aux chuintements du vent, aux courses des nuages, à la douceur du soir avant de s’endormir  sur sa paillasse au-dessus du cuvier, dans l’odeur acide des  grappes  et les lourdes vapeurs qui montaient de la cuve.

La vendange tirait à sa fin et cela se sentait à la fatigue de la troupe excepté chez les jeunes qui faisaient la fête tard dans la nuit. Il allait s’endormir quand il vit, émergeant des bouillonnements du moût une fillette toute vaporeuse en robe d’organdi, toute pâle au milieu des futailles, un grand nœud rose dans ses longs cheveux blonds. Avait-elle écarté le noir essaim des  mouches voletant au-dessus de la cuve ou était-elle entrée par la porte grande ouvert ? Il ne le sût jamais. Elle était là, en ces lieux où les entêtantes senteurs de vinasse s’accrochaient en volutes aux lourdes tentures d’innombrables toiles d’araignées.

Sa présence lui fit oublier la fatigue, les ampoules du sécateur et les marques rouges laissées par l’anse des baillots. Il la prit doucement par la main pour lui montrer les trésors de sa paillasse où ils s’endormirent joue contre joue  dans la douce confiance des amours enfantines.

Quand Roberto s’est réveillé au matin, toute la troupe était déjà debout mais de fillette il n’y en avait point. Il aurait cru l’avoir rêvée s’il n’avait pas trouvé sur sa paillasse un ruban rose qui sentait les raisins écrasés et les feuilles mouillées de l’automne.

Le ruban ne perdit jamais son odeur de vendange. Roberto a longtemps cherché à retrouver  la fillette parmi les filles qu’il rencontrait. Et puis un jour, il crut l’avoir trouvée au seuil d’un chai, un de ces soirs rouges de l’automne qui donne comme un air de mystère aux filles qui ne sont pas encore rentrées chez elles. Il l’a épousée.

Mais il n’a jamais parlé à sa femme du ruban rose qu’il conserve en un lieu secret tout embaumé des senteurs d’un soir de vendange. »







Photographies de Régine Rosenthal

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13 octobre 2009 2 13 /10 /octobre /2009 09:46
-  Alors, tu me le sors ton récit du Cap
- Fiche -moi la paix, je n'ai pas le temps.
- Parce que Monsieur n'a pas le temps maintenant?
- J'ai un topo à faire sur Philippe Ariès
- Ce doit être facile, tu l'as bien connu
- Moi, oui, mais les autres, pas forcément. Et puis sors-toi de sur mes papiers, je n'ai pas de temps à perdre.
- Tu ne m'as jamais demandé, à moi, si j'avais le temps.

Et mon chat partit queue en l'air et moustaches en bataille.






Photographie Hélène Durand
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12 octobre 2009 1 12 /10 /octobre /2009 15:29

-         Tu as vu les bandits de pierre ? dit mon chat qui en sait toujours plus que ce qu’il veut dire

-         Pas des bandits, des guerriers. Les menhirs de Filitosa, géants à forme humaine au stylet bien plaqué sur le baudrier sont des témoins préhistoriques.

-         Que gardent-ils ?

-         Un tertre où sont de vieux oliviers dans un maquis troué de blocs de granite.

-         Tu ne vas pas me dire qu’ils attendent l’ennemi ?

-         Il y a auprès d’eux les restes d’anciennes fortifications. Nous sommes là dans la Coirse préhistorique comme Cuccurazzu à Lévie.

-         Des guerriers de pierre, des forteresses, tout ça pour des bergers ?

-         Mais quels bergers ! Des bergers antiques sur des îles tragiques..

-         Que faisaient-ils si près de l’eau ?

-         Ils gardaient l’île et leurs pâturages.

-         Contre l’engourdissement de l’hiver ?

-         Contre les envahisseurs et les pirates. Un troupeau, c’est beaucoup et la vie, c’est tout. L’île était isolée. Il n’y avait que les bergers pour se défendre.

-         Se défendre de qui, des pirates ?

-         Il y en a toujours eu et ils venaient de la mer. N’oublie pas les tours gênoises.

-         Ces forteresses près du rivage, c’est des châteaux forts ?

-         Plutôt des tours de guet.

-         Avec des guerriers de pierre ?

-         Non des guerriers de chair, d’os et de souffle qui lançaient fort et loin l’appel du colombu.

-         Pour faire peur aux assaillants ?

-         Non pour avertir les habitants d’avoir à fuir ou se garder dans leurs maisons fortes..

-         Et qui étaient ces pirates ? des Somaliens ?

-         Non des Barbaresques.

-         Ils venaient piller l’île ?

-         Disons qu’ils se payaient en habitants qu’ils amenaient loin de chez eux

-         C’est çà la diaspora ?

-         Non, la diaspora, c’est des volontaires, pas des prisonniers.

-         Et ils en faisaient quoi des habitants, les Barbaresques?

-         Des esclaves, des filles de harem, des princesses parfois, comme Davia au Maroc

-         Ça leur rapportait tellement ?

-         Surtout quant on les rachetait.

-         C’est comme les Somaliens alors ?

-         Un peu.

-         Heureusement que personne ne vient plus de la mer aujourd’hui pour obliger les Corses à se réfugier dans la montagne

-         Si, les touristes, mais les Corses ne fuient pas toujours leur venue, et c’est dommage.

-         Dis, tu crois que les guerriers de pierre de Filitosa sont les ancêtres des bergers ?

-         Pourquoi me dis-tu çà ?

-         Parce que ça expliquerait qu’ils aient le goût des armes et qu’ils n’aiment pas trop les envahisseurs.

 

 Photographies de Jean Nogrady

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11 octobre 2009 7 11 /10 /octobre /2009 07:49

-         Alors, ces trous de Spérone, les plus beaux du monde, comme tu dis ?

-         Tu veux vraiment que je t’en parle ?

-         Depuis le temps que tu me serines avec ça

-         Ce sont les plus chers du monde

-         Tu payes, toi, pour des trous de souris

-         Ce ne sont pas des trous de souris, ce sont des trous de golf.

-         Pourquoi sont-ils si chers

-         Parce qu’ils sont sur la plus belle pelouse dans le pus beau lieu.

-         Il y a de l’eau en Corse pour la pelouse ?

-         La terre est sèche à Bonifacio. Les promoteurs prennent l’eau à ceux qui pourraient en avoir besoin en cas de sècheresse aggravée

-         Et ils la font payer ?

-         Ils font payer la vue qui appartenait aux habitants. Pourquoi faut-ils qu’on mette si cher pour s’amuser et si peu pour des besoins primordiaux ?

-         Parce que c’est la mode.

-         Il y a la mer dessous et les îles au loin

-         Quelles îles ?

-         Cavallo et Lipazzu, l’île aux millionnaires et l’île aux naufragés

-         Les millionnaires sont des naufragés ?

-         Non et les naufragés n’étaient pas millionnaires

-         Les millionnaires corses ont pris la plus belle des deux île pour construire leurs résidences secondaires ?

-         Ce ne sont pas des Corses qui l’habitent mais la jet set italienne et les pipoles du continent. Ils pompent l’eau et l’électricité des Bonifaciens.

-         Ils ont vraiment pris la plus belle des îles ?

-         Pas du tout, les îles Lavezzi sont aussi belles mais elles sont interdites de construction et même de débarquement, mise à part Livezzu, tandis que Cavallo est interdite de débarquement pour cause d’enfermement de milliardaires.

-         Comme un coffre-fort

-         C’est un peu ça. Il nous manque la combinaison qui livre l’accès à l’île.

-         C’est de la provocation. Raconte moi ça

-         Demain. Aujourd’hui je me contenterai de Spérone et de Bonifacio.

-         Il y a de l’argile dessous pour garder l’eau de la pelouse?

-         Penses-tu, c’est une falaise calcaire trouée comme un fromage de gruyère

-         Encore une histoire de rats

-         Mais les plus beaux trous du monde au pied de la falaise où l’on entre en bateau, où il y a des trouées de ciel bleu qui ont la forme de la Corse…

-         Qu’est-ce qu’il y a au-dessus ?

-         La ville de Bonifacio

-         Et tu crois que la ville ne va pas crouler avec tous ces trous en dessous comme des trous de mines ?

-         Paris est bien construit sur des carrières.

-         C’est une tragique histoire que tu nous racontes là.

-         Les contes sont faits pour exprimer l’inexprimable. Impossible ici, de suggérer la fausse piste qui libère le rêve en buttant sur la raison. C’est la réalité elle-même qui est déraisonnable.

-         N’empêche que c’est beau.

-         Tant qu’on peut voir encore ce qui fut si longtemps l’unique richesse accessible à tous.

-         Comme le littoral ?

-         Çà c’est autre chose. Je t’en parlerai un de ces jours.






Photographies de Régine Rosenthal

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