- Tu as vu, Mouss’, tous ces gens qui vont à la neige ?
- Tu aimerais, toi, aller à la
neige ?
- Il y fait trop froid. Je ne comprends pas pourquoi ils y vont quand il fait le plus froid alors qu’ils pourraient y aller pendant les vacances d’été.
- C’est probablement à cause de la télé.
- Parce que la télé fait une telle publicité aux sports d’hiver qu’ils seraient malheureux s’ils n’y allaient pas ?
- Je crois plutôt que les programmes sont si mauvais en ce moment qu’ils préfèrent ne pas rester chez eux. Ils ont peur de s’y ennuyer.
- Tu as peur de t’ennuyer, toi, quand tu restes chez toi ?
- Non mais nous avons des habitudes de sédentaires. Nous économisons nos gaz de serre en restant au coin du feu à ronronner tout bas des rêves de chaleur.
- Parce qu’ils ne rêvent pas ?
- Je vois mal quand ils en auraient le temps.
- Ils disent que nous avons toujours besoin de bouger, de courir, de grimper aux arbres, mais c’est eux qui s’agitent.
- Ils ont peur de « s’engatouner ».
- « S’engatouner », qu’est-ce que c’est, çà ?
- Un homme qui fait le dos en rond au coin du feu, comme un chat.
- Pourquoi dis-tu « s’engatouner » ?
- Parce que le « gat », en patois de chez nous, c’est le chat.
- Tu ne trouves pas qu’ils finiront pas nous bouffer, à force de vouloir faire comme nous.
- Faire comme nous ?
- Ils griffent, ils ronronnent, ils réclament leur pitance sans pudeur, ils se servent souvent sans rien dire, même qu’ils savent ouvrir le frigidaire tout seuls et ne pensent jamais aux autres.
- Les autres ?
- Oui, moi, quand je réclame mes croquettes.
- Ce sont des mal élevés.
- Tu veux parler des petits ou des grands ?
- Oh, tu sais, les petits deviendront grands…
- Et que penses-tu de leurs achats de voitures ?
- Qu’il y en a déjà trop, surtout quand vient la nuit et qu’ils vont à toute vitesse.
- Plus ils font de bruit, plus ils sont contents.
- Ils se tassent dedans comme dans une boîte de nuit...
- Ils sont derrière leurs volants comme nous derrière la vitre à faire trembler leurs babines.
- Alors, là, c’est curieux, ils adorent leur caisse de transport alors que nous détestons la nôtre.
- Tu préfèrerais qu’ils lisent
-
Oh, oui parce qu’ ils nous laisseraient monter sur leurs genoux et nous aurions tout le temps de ronronner.
Photographies de Jean-Yves Béna