Mes chats m’ont regardé tout hier, allongés devant moi, sur la table, et tout étonnés de me voir lire un très vieux bouqin.
- Tu m’a bien bluffé, me dit Mouss’ ce matin ; Que copiais-tu ?
- Je ne copiais pas, je traduisais
- Tu traduisais quoi ?
- De vieux textes écrits en occitan
- En occitan, qu’est-ce que c’est que çà ?
- La langue de mon père, de mon grand père, de mes aïeux, probablement.
- Je n’ai jamais entendu parler de l’occitan
- C’est parce que Caramel et toi, vous êtes des chats bien éduqués à l’école obligatoire au français obligatoire.
- Parce que ce n’est pas français le patois ?
- On le dit : c’est une langue de paysans.
- Pourquoi le lis-tu alors ?
- Parce que la langue, c’est la base de l’identité nationale. Il est temps que je connaisse la langue de mes aïeux
- Et leur identité
nationale.
- Bien sûr
- Le service
militaire
- Il n’y en a plus
- Une langue, une histoire, un drapeau
- Depuis
quand ?
- La Révolution
- Laquelle?
- Deux
poètes :
Mon pays aux grands yeux bleux, à la peau blanche, aux lèvres rouges
Du sang de ses amoureux
- C’es joli, çà
- C’est d’Aragon. Tu as la même chose chez Déroulède.
- Et en patois ?
- Je crans que ce soit différent
iQuand benebe lur tour, partében per la guerre
Come d’aquets fourçats que ban à la galère.
-Ne m’en dises pas mey, car creby de despit
Countre lous scelerats que soun d’aquet partit.
-Ah ! lous maudits couquins !ah ! la maudite qlique !
si pedy lous gaa, sentiren de ma trique
- C’est çà, leur identité nationale ?
- Oui, le sentiment d’appartenir à une communauté où l’on se dispute à propos de tout.
et mon chat partit en chantant
"et tout çà çà fait d'excellents français..."
Et si l'identité nationale, c'était l'égalité devant les impôts?