- Pourquoi ne m’as-tu pas raconté le
tour complet du Cap l’autre jour ?
- Parce que je voulais t’inviter à manger une langouste à Centuri.
- Vous ne pensez qu’à manger quand vous êtes en Corse ? Jambon, langouste, figatellu, bruccio, fromages, et j’en passe… Il n’y a rien d’autre à voir à Centuri ?
- Si un gentil petit port et des maisons serrées aux toits de lauze verte.
- Des toits verts et des langoustes rouges.
- Les langoustes ne sont rouges que lorsqu’elles sont cuites.
- Comme les crevettes ?
- Oui.
- J’adore les crevettes décortiquées. Après çà, où m’amènes-tu ?
- Au moulin Mattéi. Il faut marcher un peu, çà te fera digérer
- Digérer quoi ? Tu ne me les as pas donnée ces langoustes. Tes promesses, tu ne crois pas que ce sont des promesses de gascons.
- Je tiens toujours mes promesses.
- Qu’est-ce qu’il a de particulier ce moulin ?
- Il porte en gros le nom de son propriétaire
- C’est très impérial, çà
- Il se prénomme d’ailleurs Napoléon.
- Pourquoi il a mis son nom ? Il avait peur qu’on le lui fasse sauter ?
- Non, il avait peur de ne pas assez vendre d’apéritif
- Quel apéritif ?
- Du Cap Corse Mattéi
- On le voyait de loin ?
- Pas trop mais les bateau ne passaient pas loin.
- On aurait pu mettre d’autres moulin
- On a mis plein d’éoliennes
- Ils portent le nom du propriétaire ?
- Ils n’osent pas et pourtant ce sont des moulins modernes. Ils sont comme des moulins d’enfants.
- On va en mettre sur la dune du Pilat alors, et sur le banc d’Arguin.
- Je ne crois pas qu’on aimerait çà
- Mais puisqu’on en met tout plein sur le Cap Corse.
- Oui mais le Cap Corse, c’est là-bas, la dune du Pilat, c’est chez nous et les touristes veulent la voir nue.
- Parce qu’il n’y a pas de touristes au Cap Corse ?
- Si mais là où on les a mises, c’est un bout du monde
- Comme le dune du Pilat.
- La dune du Pilat, c’est un but pour tout le monde et pas un bout du monde.
- Mais les bateaux, ils les voient, tes éoliennes.
- Non, parce que , de nos jours, ils naviguent la nuit et qu’ils passent au large.
-
Je comprends. Les Corses, qui sont écolos veulent de l’électricité et ils s’en donnent les moyens sans protester. Ils sont logiques au moins. C’est pas comme chez
nous
- Arrête de me provoquer. Je vais t’amener à Erbalunga
- C’est quoi, çà ?
- Un village de touristes : une presqu’île, une tour gênoise, des maisons serrées autour d’une rade fermée par une digue de pierres vertes.
- Et des marins
- Surtout des peintres.
- Parce qu’on fait des peintures en Corse ?
-
Bien sûr puisqu’il y a plus de maisons de peintres qu’il y a de maisons de marins . Mais là je crois que tu te fous de moi.
Photographies de Paul-Yvan Béna