- Alors, mon beau chat, qu’as-tu fait pendant
cette expo ?
- J’ai gardé l’expo, regardé les gens, compté les entrants, soustrait les sortants.
- Il te suffisait de compter les entrants.
- J’ai appris la comptabilité en partie double. C’est le seul moyen de déceler les erreurs.
- Comment cela ?
- S’il y a moins de sortants que d’entrants, c’est qu’il y a quelqu’un qui se cache sous la table.
- Et s’il y a plus de sortants que d’entrants ?
- C’est qu’il y a eu un accouchement à l’expo.
- Ça t’es arrivé ?
- Non, mais ça aurait pu.
- Tu vois bien que c’est idiot de compter deux fois.
- Tu as vu, au bac, ce qu’il arrive quand on ne compte qu’une fois ?
- Il faut que ce soit celui qui en pâtit qui porte la preuve de l’erreur.
- Ils se sont trompés de ligne.
- C’est un prétexte. Il fallait voir l’erreur avant de donner les résultats, pas après. Personne n’en aurait parlé.
- Et les gens, comment étaient-ils ?
- Des gens bien, des gens qui s’intéressent à l’art, des gens qui s’ennuient à la plage.
- Des gens qui s’ennuient à la plage ?
- Il y a des gens qui baillaient avant d’entrer et qui repartaient requinqués !
- Quelques-un sans doute.
- Sur trois mille, il y en a bien eu quelques-uns.
- Trois mille, tu m’étonnes !
- A raison de 20 à 30 à l’heure chrono, à jet continu, pendant plus de dix heures chaque jour, pendant dix jours sans interruption ça fait ?
- 200 à 275 par jour, 2750 au bas mot
- avec une augmentation pour l’ouverture (plus de cent cinquante personne venues), les dimanches (cinquante pour cent en plus) et les soirs de grand vent en quittant la plage. ça fait combien tout çà ?
- tu m’ennuies avec tes comptes d’apothicaires. Il n’y a plus d’apothicaires.
- Mais il y a des sondages. Et les gens adorent les sondages qui leur cachent les nuances.
- Tu as vu ceux que tu avais invité ?
- Je n’avais invité que ceux qui s’intéressent à la culture.
- Comment sais-tu qu’ils s’intéressent à la culture ?
- Ils le disent.
- Si j’ai bien compris, tu es déçu
- La plupart ne sont pas venus.
- Comment expliques-tu ça ?
- Ils s’intéressent tellement à la culture qu’ils n’en veulent plus en vacances. Ils en sont saturés.
- Parce qu’ils voient tellement d’expositions en temps ordinaire ?
- Non parce que la culture, ils ne la voient pas, ils la font ;
- Comment çà ?
- En en parlant.
- Ils te l’ont dit ?
- Non, ils avaient des prétextes : ils ne pouvaient pas se garer, ils n’aimaient pas l’un des exposants, ils ont leurs enfants.
- Et comment font les touristes ?
- Ils se garent, ils n’ont aucun à-priori et ils viennent avec leurs enfants.
- Pourquoi les gens que tu invites ne font pas comme eux ?
- Ils attendant le départ des touristes pour retrouver leurs marques.
- Je suppose que tu as invité des gens connus, des pipoles ?
Pendant les vacances, ils n’ont jamais le temps entre les parties de boules, la fréquentation des les lieux où on peut les remarquer, et les convocations de journalistes et de photographes, ils continuent à parler de culture…
Photographuies de Régine Rosenthal de d'Antine@