- - Il est interdit
d’interdire
- D’où sors-tu ça
- C’est bien toi qui l’as dit ?
- Je n’ai jamais interdit d’interdire
- Si ce n’est toi c’est donc ton frère
- Je n’en ai point
- C’est donc quelqu’un des tiens car vous le hurliez sur vos prétendues barricades qui n’ont jamais contenu tous ceux qui prétendent y être montés.
- Ceux qui le criaient le plus fort interdisent tout maintenant
- Es-tu sûr que ce sont les mêmes ?
- Oui parce que tout le monde revendique 68 aujourd’hui, surtout ceux qui nous gouvernent.
- Ce n’est pas que les Français ont la mémoire courte mais ils oublient vite ce qu’ils faisaient autrefois.
- Et tu trouves qu’on interdit trop?
- Oui : les huîtres, le lait cru, le fromage, les ortolans, les pibales, les anguilles, et ce n’est pas fini.
- Ce n’est pas fini ?
- Le tabac uniquement à l’extérieur, l’alcool au dé à coudre et le vin au verre à porto, c’est la fin programmée des fumées et vapeurs de toutes sortes. C’est comme le baccalauréat.
- Tu ne vas pas me dire qu’on va interdire le baccalauréat au moment où 80% des Français sont reçus à l'examen ?
- L’interdire, non, mais le supprimer probablement.
- Comment cela
-
En en faisant de toutes sortes
- Tu trouves que c’est mal de faire passer le bac à tout le monde.
- Non, mais comme ces changements de nom : préposé pour facteur, technicienne de surface pour balayeur, tu crois que c’est une façon de valoriser le travail ?
- Tu voudrais valoriser l’examen en le supprimant ?
- Je voudrais surtout qu’on apprenne bien tout ce qui est utile au travail, qu’on donne aux connaissances leur vrai nom, leur vraie valeur.
- Et tu crois que faire passer un pseudo bac à tous ce n’est pas valorisant ?
- Ça l’est pour les familles, ça ne l’est plus pour les candidats qui se trouvent le bec dans l’eau.
- C’est comme le secret et la lettre ouverte alors ?
- Que me chantes-tu là ?
- Le secret, c’est ce qu’on dit à des personnes choisies pour que ce soit répété au maximum de gens
- Sous le sceau du secret?
-
Sous le sceau du secret.
- Et la lettre ouverte ?
- Ce que tu affiches partout et que personne ne lit.
- Personne ne lit les résultats du bac ?
-
Si, pour se faire plaisir, faire plaisir aux parents et s’en glorifier auprès des voisins - en bouche à oreille.
Ecoutes les : " alors le petit, il l’a eu son bac" ? Mais personne ne sait ce qu’il faut faire après. C’est un prétexte, un rite de
passage.
- Comme s’embrasser.
- S’embrasser ?
- Oui, tout le monde s’embrasse et ça ne signifie plus rien. C'est à peine un rite de reconnaissance. D’ailleurs on va interdire de s’embrasser
- Sur les bancs publics, comme du temps du sénateur Béranger ?
- Partout au prétexte de la grippe porcine. Parce qu’on a trouvé le prétexte.
- Et le libre arbitre ?
- Il appartient aux audacieux.
- Pourra-t-on se serrer la main au moins ?
- Si tu mets des gants
- Même en été ?
- Même en été, à moins que…
- A moins que ?
- Que tu prennes des leçons de politesse japonaise.
- C’est le règne de la geisha, que tu préconises ?
-
Pourquoi pas. Tu ne te rends pas compte du danger que ça représente, tous ces gens qui se frottent à toi?
Photos de Régine Rosenthal et Cristelle Dneiel