- Où étais-tu
hier ?
- Je suis allé revoir les notes du bac
- Mais tu n’es pas professeur
- On demandait des volontaires bénévoles pour cette œuvre civique qui va demander tant de temps.
- Parce que les Professeurs ont fait n’importe quoi ?
- Pas eux, l’administration.
- Parce que les Professeurs ne font pas de faute ?
- Non, il sont comme les juges, ils prennent leurs décisions en leur âme et conscience.
- Mais il leur faut aller vite
- Ils ont une conscience agile et tiennent compte de l’humeur du jour, de la température de l’air, de l’entente familiale, de la lisibilité de la copie, de la longueur du texte, de l’assoupissement dû à une lecture trop soutenue, de l’aptitude humaine à bien noter une copie lue en diagonale…
- Ils sont guidés ?
- Par l’administration qui leur réclame d’aller de plus en plus vite.
- Pour donner les résultats plus rapidement ?
- Pour avoir de temps de collationner les notes. Ça demande beaucoup d’attention de collationner les notes
- La preuve, c’est qu’on peut se tromper de lignes
- L’administration ne se trompe jamais parce qu’elle a des machines contrairement aux professeurs.
- Si la machine est défectueuse, il faut changer de machine
-
Mais une machine c’est cher et ça doit durer au moins trois ans.
- On dit que c’est plus sûr qu’un collationnement manuel
- Dans ce cas, il va falloir mettre des machines pour corriger le bac ?
- Sans doute mais on a peur du bug des ordinateurs.
- Pour additionner les notes ?
- Non pour les attribuer. On se servira désormais de la souris .
- Comme pour les huîtres ?
- Non de la souris qui est collée à l’ordinateur, celle qui le fait dérailler.
- Que pourraient noter les machines ?
- Elles prennent en compte la présence, l’attention, le nombre de gens qui passent le bac mais ni l’écriture ni l’orthographe ni le hors sujet ni, à fortiori, l’intelligence du texte.
- Pourquoi ça ?
- Parce que ce sont des valeurs obsolètes
- Et la cote d’amour ?
- C’est quoi, ça ?
- La note qu’on attribue sans justification.
- Alors ça oui. Mais en plus, il faudra compter sur : la longueur de la copie, la couleur de l’encre, l’aération du texte, la copie du voisin, l’intensité du courant électrique et la pureté de l’atmosphère.
-
Comme pour la notation du blog rank qu’on affirme sans rire être « un indice de qualité calculé chaque nuit à partir de nombreux critères et d’un
algorithme complexe »
- Et voilà pourquoi votre fille est muette ! Comme transparence il y a mieux. Hier on pratiquait sur le huîtres le jugement de Dieu par la souris, aujourd’hui on utilise le jargon de Molière
- Tu vois, dit mon chat, notre problème, à toi comme à moi, c’est que nous n’arrivons pas à nous débarrasser de notre mémoire.
- Et l’expo, qu’en dis-tu ?
Je suis saturé de notes. Je verrai demain.Photographies de Régine Rosenthal