A peine embarqué, Oslo a sorti le vieux théodolithe qui ornait la cabine pour faire le point.
- Laisse ça dit Chat-Malo, prends plutôt le GPS
- Pas la peine dit mon chat, on voit très bien l’île devant nous. Il vaut mieux sortir le baromètre pour voir ce qu’il dit.
- Un vrai marins lit le temps dans les nuages.
- Justement, dit Oslo, il n’y a pas de nuages.
- Appelle la météo
Le départ s’avérait délit-cat parce que les chats sont des animaux indépendants.
- Le capitaine est seul maître sur son bateau dit Chat-Malo qui avait lu beaucoup de livres de pirates. J’en prends la direction
- Pas question dit mon chat, votons à main levée
- Ce n’est pas démocratique dit Oslo, nous allons tirer à la courte-paille.
- Mais vous ne savez pas vous servir d’un bateau dit Chat-Malo
- S’il fallait attendre de trouver des gens compétents pour faire quelque chose, dit mon chat, on ne ferait rien de bon. Et puis rien ne prouve que les gens compétents sachent commander.
- Attention, le bateau dérive
-
Prends les ris
- Vire vite
- Et pour sortir du port Chat-Malo tira des bords qui ont fait frémir bien des vieux marins sur les quais.
- Tu as vu, ils se moquent de nous
- Ils n’ont qu’à venir à notre place
- Ah ça, non, ils seraient capables de nous débarquer.
C’est alors que le vent se mit à souffler dans la bonne direction, c’est à dire vent arrière.
- Ça nous change de la bicyclette dit mon chat
- Oui il ne faut pas pédaler, çà descend tout seul dit Oslo
- C’est qu’en bicyclette, dit mon chat, on a toujours le vent de face.
Chat-Malo haussait les épaules devant tant d’ignorances avérées. Comme si le plancher des vaches avait quelque chose à voir avec le plancher des matelots.
La navigation se terminait que nos chats n’avaient pas encore élu leur capitaine.
- Terre ! a crié mon chat quand il sentit que le bateau talonnait
- Prends le bout et tourne le sur la bitte d’amarrage
- Je vois pas de bitte dit mon chat
- Ce piquet là fera l’affaire dit Chat-Malo qui montrait par là même son esprit de décision.
- Fais un nœud de vache dit-il
Oslo et mon chat, qui ne savaient faire que des nœuds de chats, ont longtemps cherché dans le sac de nœuds que le père d’Oslo gardait dans sa cabine un bon nœud d’amarrage.. Heureusement que la marée et l’onde d’un bateau de touriste qui passait à toute vitesse les a drossés à la côte. Le sol était vaseux et ils décidèrent d’un commun accord de rester sur le bateau en attendant la marée suivante qui les porterait plus loin à l’intérieur des terres.
Devant aller à Solférino (Landes) à la recherche de souvenirs impériaux, j’ai laissé mon chat maître des opérations espérant bien le trouver le lendemain pour avoir la suite de son récit.
- Ce n’est pas la peine de téléphoner ce soir, lui dis-je en partant, mais, s’il t’arrive quelque chose, téléphone aux pages jaunes. Ils ont une solution pour tout..
Les photographies sont de Régine Rosenthal