Mon chat est allé voir une amie chatte qui venait de donner le jour à cinq adorables chatons au milieu des pages déchirées de magazines people. Il y avait Vois-la, catycatch, point de mire
images fécondes, Jours de Chance, le fi ragot et quelques autres dont je ne me souviens pas du titre. Mon chatl ne put se dispenser de jeter un coup d’œil sur ces journaux
pour meubler une visite où il ne savait trop quoi dire. Les chats, comme les hommes, sont de grands timides qui noient leur timidité (ou leur paresse) dans la lecture des journaux et la fumée des
cigarettes Depuis que les cigarettes sont interdites, il ne reste plus que les journaux.
- Vous les hommes, me dit-il à son retour d’une visite qu’il était malgré tout content d’avoir faite, vous êtes de curieux personnages.
- Pourquoi curieux ?
- Si j’ai bien compris, vous êtes des bigames refoulés.
- A voir ce que tu as vu dans les journaux, tes bigames ne se cachent pas tellement
-
Ils s’exposent comme s’ils étaient des cas uniques alors qu’ils sont nombreux à se battre pour paraître sur ces magazines.
- Ce n’est quand même pas toi qui va leur reprocher leur bigamie.
- Mais moi je ne fais pas venir les paparazzis. Je ne sollicite pas les journalistes. Et puis, ce que je leur reproche, c’est quand ils divorcent : ils n’ont pas besoin de crier, gesticuler, s’injurier, se menacer, même s’ils doivent partager leurs enfants, et se disputer leurs biens. Et puis, pourquoi font-ils revenir les paparazzis pour reparaître dans ces journaux. Ça cadre mal avec leur bigamie. Je t’aime un coup, je t'engueule un autres. Ils sont pas conséquents. C’est à se demander s’ils ne font pas tout ça rien que pour la presse. Ils appellent ça un scoop quand c’est un loupé.
- Ce que tu leur reproches, au fond, c’est leur manque de discrétion
- Je m’en moque de leur manque de discrétion mais ils profitent de l’occasion pour abandonner leurs chats et ça, je ne peux pas le pardonner. Ça nous tombe dessus sans crier gare. Nous ne sommes pas grand chose, mais tout de même.
- ….
- Ne proteste pas. Les journaux ne parlent jamais des chats des gens qui divorcent. Entre vous et nous, ce n’est peut être pas tous les jours la passion tumultueuse, les cris félins, les amours bondissantes mais les caresses, ça compte.
-
Je ne te les ai jamais mesurées
- C’est justement ça que je vous reproche à vous, les hommes : vous nous attirez, vous grattez nos têtes, chatouillez nos cous, caressez de vos mains nos dos qui s’arc-boutent. On vous croie sur caresses. Nous aimons ces vieilles tendresses, comme une entente fusionnelle et pfft, plus rien : il suffit d’un de vos orages sentimentaux et s’en est fini de nous. Il ne nous reste plus que la soupe populaire, les nuits sous les châssis de voiture, les débris de poubelles que nous disputons à vos clochards…
-
Tu exagères
- Ça se voit que tu ne fréquentes pas nos asiles, que tu n’écoutes pas les miaulements plaintifs dans la nuit, nos cœurs qui palpitent quand passent les patrouilles. C’est pour cela que nos sans-abris aiment tant les fantômes des cimetières, les squats au milieu des machines d’anciennes usines désertes, les bains de soleil sur les traverses des lignes désaffectées d’un chemin de fer économique dans la solitude de rails inutiles au milieu des herbes folles où se trouve toujours un peu d’herbe à chat…