- Tu as vu le travail de Madame Chatignol
- De la terre, de la terre, rien que de la terre
- Mais quelle terre !
- Parce qu’elle a quelque chose de particulier saterre ?
- Elle l’a ramenée des quatre coins du monde ; elle y a inclus des la roche broyée du cuivre, ds métaux qui donneront ces rouges profonds, ces filets d’or, ces reflets inattendus. Le feu est un peu le diable, à sa manière. C’est pour lui que Nicole travaille sa terre.
- Ça se travaille la terre ? C’est pas de la culture bio, c’est de la céramique.
- Tu crois qu’on a tout ça sans travail ? Nicole enrichit la terre de quelque pooudre secrète, la malaxe, la tourne. Elle lutte avec la
terre avant d’affronte le feu. C’est un long combat.
- Elle gagne toujours ?
- Pas toujours, mais souvent. C’est ce qu’on appelle le savoir-faire.
- Si je comprends bien, elle se bat avec la glaise
- A main nue. Elle la séduit. Elle la caresse doucement parce que la terre est fragile.
- Ah oui, le pot de terre casse..
- Pas à ce niveau, mais elle est capricieuse. Nicole Chatignol la caresse, la pelote, l’affleure du bout des doigts, la flatte à pleine paume. C’est son opération séduction, une opération longue et secrète qu’elle ne peut pas se permettre d’écourter car la terre est sourcilleuse et le feu n’accepte pas n’importe quoi.
- Après elle fait cuire sa pièce ?
- Tu en parles comme d’un barbecue. Elle met sa pièce au four, elle la surveille car il lui faut maîtriser un feu toujours impatient et fougueux et c’est qui reste, jusqu’au bout, le seul maître de l’effet.
- Elle ne fait pas ce qu’elle veut ?
- C’est chaque fois un véritable combat. Il lui
faut maîtriser le feu, le courber à ses désirs.
- Le domptage du fauve ?
- Exactement.
- Tout ça pour une pièce ?
- Une pièce unique jamais refaite deux fois pareille.
- Un métier qui me ferait enrager
- Il en a fait enrager plus d’un : Bernard Palissy a failli en devenir fou..
- Je comprends mieux maintenant pourquoi il a brûlé ses meubles..
- Mais quand l’œuvre sort, qu’elle s’emplit du rouge profond que donne la réduction du cuivre, qu’elle rutile de ses ors, qu’elle ruisselle de teintes limpides, c’est un plaisir que l’artiste ne connaît qu’à la fin, qu’il ; ne peut plus retoucher mais qu’il retrouve chaque fois au plus profond de son esprit et de sa chair
- Orgueil ou déception, « Aimez ce que jamais on ne verra deux fois »