- Tu ne m’as pas parlé de Malrieux
- Tu as ses tableaux, tu n’as qu’à regarder
.- Je n’en ai pas eu tellement jusqu’à présent.
- C’est vrai. Malrieux, ce sont d’abord les bleus, des bleus Malrieux qui ne sont ni les bleus changeants du Bassin, ni les bleus
« touristes » des magazines. Ces sont des bleus qui lui appartienent.
- Il peint toujours en bleu?
- Il y a eu les voyages, d’autres couleurs, les rouges des danseuses gitanes, les blancs éblouissants de Corse, les touches de vert, de rouge, de jaune qui viennent le délivrer de vieilles obsessions accumulées. Les couleurs de Malrieux, c’est un peu les couleurs de Rimbaud.
- A noir, U vert, I rouge, la couleur des voyelles
- Ses voyelles à lui, ce sont les lignes, les à-plats, les souvenirs qui surgissent de la toile.
- Malrieux ne reproduit pas le Bassin ?
- Si mais pas à la façon des « Arcachonnades », tu sais, ces éternelles pinasses et ces cabanes chanquées des sets de table et des cartes postales.
- Alors que peint-il ?
- Il a commencé par du figuratif et puis il gomme, gomme, gomme, jusqu’à ne plus laisser qu’un rêve sur la toile. Mais ce qu’il a gommé ne s’oublie
jamais. Ce point, là-bas, en bout de ligne, est-ce Arguin, un rêve d’Arguin, un souvenir d’Arguin ? Cette masse est-ce une écluse, une impression d’écluse, le poids de l’écluse à l’entrée du
port ? Chacun s’y retrouve, à sa manière. Malrieux n’impose pas, il suggère. Et tant pis
si vous n’êtes pas là pour saisir le dernier clin d’œil, fugace comme le rayon vert quand s’éteind le soleil.
- Je vais revoir Malrieux. C’est avec sa main qu’il peint, ou avec sa tête ?
- Je crois bien que c’est avec les deux. La tête
guide la main mais la tête la trouble aussi et l’oriente souvent vers d’autres rêves, d’autres visions venues du plus profond de lui-même.