- ca t’amuses de garder l’expo ?
- Mine de rien, les yeux mi-clos, allongé sur le ventre je regarde les allers et venues des deux pattes. Je fais comme ce douanier qui faisait semblant de dormir sur sa chaise et regardait le dessous des voitures
- Vous regardez par en-dessous ? C’est du propre.
- Lui, c’était pour voir si elles n’étaient pas trop chargées, moi pour relever leurs comportements parce que, côté » dessous, on en voit plus sur la plage d’en face.
- Et vomment se comportent-ils ?
- Il y a ceux qui s’attardent poour demander après s’il n’y a pas de toilettes dans la salle, ceux qui entrent avec un besoin pressant et ressortent aussi vite, ceux qui musent en minaudant ‘Ce Malrieux, tout de même, il peint comme un jeune homme », » et Régine, tu as vu Régine. La voici devenue globe-trotter Elle a même photographié un serpent qu’on dirait qu’elle l’embrasse sur la bouche’
- T’inquiètes pas, il n’y a pas de grippe de serpent.
- « Et Madame Chatignol « ses vases sont plus rouges que le feu »
- C’est une belle exposition.
- C’est ce qu’ils disent tous. Il faut bien, autrement on ne leur en fera plus.
- Dans l’ensemble, ils regardent longuement.
- Surtout quand le soleil est tombé, que le vent s’est levé et que la plage n’est plus tenable.
- On ne peut pas leur en vouloir. Bernard Monteil a été invité, il a préféré aller jouer aux boules
- Mauvaise langue, va !
- C’est le journal qui nous le montre en pleine action. Les touristes, ils viennent en tenue de plage ?
- Quelques uns, mais ce sont des touristes de la grande plage. Ils sont élégants. On a un aperçu de toutes les modes.
- Toutes les modes ?
- Robes effrangées, pantalons de zouave, shorts raccourcis, bustiers ajustés, pantalons à dentelles tout juste un peu plus long sous une jupe à peine un peu plus courte que les pantalons et les jupes des petites filles modèles… Pas de chapeaux pourtant, et pas d’ombrelles.
- Pas de gens pressés.
- Non, les gens pressés, ils ne sont pas là.
- Où sont-ils ?
- Tu n’as pas vu l’autre jour quand nous sommes allés écouter la musique brésilienne de Samba Boss place Thiers, tous ces gens à valises à roulettes qui slalomaient dans la foule. Ils s'en foutaient pas mal de la musique, eux, contrairement à la foule qui se pressait au pied du kiosque.
- Pourquoi étaient-ils si pressés ?
- C’est les NAF
- Les Naf ?
- Oui, Neuilly-Arcachon-Cap Ferret. Ils vont prendre le dernier bateau. C’est d’un chic !
- Pourquoi ?
- Tu prends le TGV jusqu’à Arcachon puis le bateau à la jetée pour te rendre au Cap Ferret avec l’indifférence glacée – mais pressée- des pipoles obligés de traverser la foule glauque. Ils n’ont qu’une hâte : prendre le dernier bateau.
- Ils sont graves et concentrés sur la dernière traversée
- Rien n’est beau comme d’aborder le Cap par l’eau
- Pourquoi sont-ils stéréotypés au point qu’on les reconnaisse si facilement ?.
Parce qu’ils ont une valise à roulettes de bonne marque, qu’ils sont pressés comme des hommes d’affaires partant en vacances et qu’ils détestent Arcachon