
- C'est pour çà, me dit Mouss' que nous miaulons peu, juste pour les besoins immédiats. mais nous autres, les chats, c'est pour nous garder du temps pour le rêve et la réflexion.
- Pourquoi as-tu
changé de réfrigérateur ?
- Çà te gêne ?
- Oui, j’avais mes habitudes à l’arrière de l’ancien.
- Le moteur était fichu, je ne pouvais pas faire autrement.
- Tu ne pouvais pas changer de moteur ?
- Çà me serait revenu plus cher qu’un frigidaire neuf.
- Alors, le reste ( l’armoire, les serpentins, l’enveloppe réfrigérante…) çà ne vaut rien ?
- Je n’ai pas dit çà mais on m’a dit qu’il valait mieux tout changer, que si le moteur était fichu, le reste serait vite en panne.
- Il n’y a pas de dépanneur ?
- Il n’y en a plus, et ils sont trop chers
- Çà ne coûte pas cher de mettre une grande carcasse comme çà à la déchetterie ?
- Non, si c’est toi qui l’apporte et j’ai déjà payé en achetant un frigidaire neuf.
- Et çà ne coûte pas cher de mettre un dépanneur à la casse ?
- S’il fallait penser à tout, où irions nous ?
- Tu sais bien que la casse est à la base de l’économie. Regarde pour les autos. On donne du travail à l’usine qui les produit.
- Réfléchis : le travail que tu donnes, les usines en auraient (presque) autant en fabriquant le moteur, les serpentins, des portes, des armoires de frigo…
- Et quels bénéfices en tirerais-tu ?
- On encombrerait moins la nature et on donnerait du travail aux dépanneurs. Tu ne payerais pas leur chômage, il y en aurait dans tous les villages et ils t’aideraient à régler tous les petits problèmes de ta maison : un tour de vis par ci, un coup de marteau par là…
- Et que ferais-tu des démarcheurs à domicile ?
- Ceux-là, ils ne savent rien bricoler.
- Mais ils savent faire signer.
- Ah, çà, oui, ils travaillent du baratin.
- De toute façon, il faudrait beaucoup plus de réparateurs qu’il n’y a de commerciaux. Il y aurait moins de chômage à payer.
- Mais leur chômage serait plus coûteux.
Ne m’as-tu pas dit que les réparateurs étaient chers ?
- « Les sanglots longs
- Des violons
- De l’automne … »
- Pourquoi me parles-tu des violons de l’automne alors que nous arrivons au printemps
- Parce que ce n’est pas encore le printemps et que j’en ai marre des violons des politiques et des P.D.G.qui ne cherchent qu’à ce qu’on leur laisse faire ce qu’ils veulent. Il n’y a pas de saison pour en mettre plein la vue. Tu ne les entends pas d’ici ?
- C’est çà qu’ils appellent discuter, faire de la pédagogie ?
- Si on n’accepte pas ce qu’ils disent, ils diront que c’est parce qu’ils ne savent pas communiquer. Si on dit oui, c’est parce qu’ils ont de la pédagogie.
- Qu’est-ce que c’est la pédagogie ?
- C’est faire accepter l’invraisemblable. Même les scientifiques s’y mettent. Même l’Éducation Nationale, ce temple pédagogique.
- L’Education Nationale ?
- Souviens-toi : il n’y a pas de drogue à l’école ; ce sont les gens de l’extérieur ; nous nous débrouillons bien tout seuls ; il n’y a pas de problème.
- Mais c’et une politique de commis-voyageur, çà.
- Ce sont des commis-voyageurs, des marchands de pédagogie..
- Pourquoi font-ils çà,
- Pour dominer, pour paraître les plus forts.
- Y a-t-il des méthodes pour faire accepter l’invraisemblable ?
- Tu parles … Tu parles… Tu ne laisse à personne le temps de répondre et quand ils sont bien saouls de tes paroles, qu’ils ne peuvent plus réagir, tu les félicite d’avoir suivi ton raisonnement.
- Mais c’est du bourrage de crâne, ce n’est pas de la pédagogie!
- C’est souvent çà, la pédagogie. En tous cas, la leur, celle des ministres, des dirigeants d’entreprises, des banquiers, des médiateurs, des liquidateurs de toutes les oppositions.
- Et si je refuse de les suivre ?
- Tu es un indécrottable, un vieux schnock réfractaire à la pédagogie, un entêté, un ignare qui n’écoute pas ceux qui savent
- Ceux qui savent, se sont…
- Ceux qui se donnent l’impression de savoir.
- Ceux qui font à l’esbroufe?
- Trop de pédagogie tue la pédagogie… Et la communication.
- Où y a-t-il de bons communicants d’après toi?
- Au gouvernement, à la SNCF, chez Air-France, chez Total, chez Philips, au sein de l’Éducation Nationale (à tous les niveaux)…Ceux qui te jouent l’air de la connaissance à tous crins
- Si je ne peux pas écouter les crins-crins, que faut-il que j’écoute alors ?
Les miaulements des chats. Ils n’ont aucun intérêt à te tromper.
- Que fais-tu là, tu fais des
gammes ?
- Je m’exerce pour taper sur le clavier de l’ordinateur que tu vas m’acheter.
- Tu as vu ce que tu as fait hier ? Maintenant tout le monde me croit riche
- C’est pour t’obliger à m’acheter le portable
- Tu sais, les droits d’auteur, çà me permet à peine de t’acheter des croquettes.
- Il n’y a pas un moyen de gagner très gros ?
- Tu n’as qu’à te mettre banquier ou PDG d’entreprise.
- Tu crois que les gros, çà gagne gros ?
- Des milliards
- Et comment font-ils ?
- Ils jouent à la banque ou à la casse.
- À la banque ?
- Oui : tu prends l’argent des autres et tu l’échanges.
- Contre quoi ?
- Contre l’argent des pauvres. Si les pauvres font faillite, on prend leur maison. Çà rapporte gros.
- Mais ce sont des méthodes d’arnaqueurs.
- Non , des méthodes d’usuriers.
- Et à la casse ?
- Tu fait casser les autos et tu en vends beaucoup.
- On ne casse pas la main d’œuvre ?
- Si, un peu
- Comment un peu ?
- C’est la règle du jeu : il y a trois façons de s’enrichir : tu mets la clé sous la porte et tu va t’installer ailleurs en obtenant une subvention ; tu met à la porte la moitié des ouvriers et tu arranges un joli plan social ; tu délocalises et tu proposes à tes ouvriers de te suivre au salaire syndical des Chinois : c’est la dernière née, la méthode Philips.
- Tu veux me mettre à la porte ou tu veux délocaliser ?
- Rassures-toi : il ne s’agit ni des petites entreprises, ni des entreprises familiales.
- Alors, Mouss’ tu t’y installes à l’ordinateur ?
- Pas comme çà, sur commande.
- Que veux-tu dire ?
- Tu occupes l’ordinateur tout le temps et tu voudrais que je ne m’en serve que sur ordre selon tes caprices.
- Mais j’ai du travail, moi !
- Mets-le sur mon blog, ce que tu fais, que je n’apparaisse pas comme ton bourreau quand c’est moi qui subit tes caprices.
- Mais ce n’est moi qui les intéresse.
- Tu ne les intéresses pas, ou çà ne les regarde pas ?
- Les deux, mon chat, et puis, ils trouveront ailleurs tous les renseignements qu’ils veulent sur moi.
- Si tu ne veux pas le dire sur mon blog, c’est moi qui vais le mettre.
- Ne dis rien, ce sera mieux et si tu le fais, gare à toi !
- Des menaces de maître maintenant ? Si tu veux que je fasse mon blog sans parler de toi, achètes-moi un portable qui ne sera qu’à moi, rien qu’à moi.
- Je n’aime pas le chantage.
- Je n’aime pas les faux-culs.
- Un faux-cul, moi ?
- Ne joue pas les modestes ou je dirai à tout le monde que tu es au faux-cul qui n’a pas une figure très catholique.
- Les culs n’ont pas de figure. À plus forte raison les faux-culs.
-
La preuve que si. Regarde.
Ils se croient supérieurs
Qand ils sont conducteurs
Trop Forts de leurs carosses
Trop Fiers de leurs moteurs
Et s'ils jouent au molosse
C'est qu'ils sont inconscients.
Ils ne sont pas méchants
Ils sont toujours comme çà
Ils n'aiment pas les chats,
Ils aiment la vitesse
Souvenez-vous d'Aragon
Longs de leurs manteaux
Courts de leurs couteaux
Fiers de leurs espions
Forts de leurs bourreaux...
Au fait : savez-vous ce que c'est qu'un piéton aujourd'hui?
- C'est un automobiliste qui cherche sa voiture.
Photographie de Régine Rosenthal
- Alors, Mouss’ tu as fini de
dormir ?
- Laisse-moi tranquille.
- On te demande sur le net
- M'’en fous.
- Je comprends ton chagrin mais il ne faut pas décevoir ceux qui t’attendent.
- Je n’ai plus Caramel pour parler
- Vous aviez des choses à dire encore, Caramel me l’avait confié
- Je sais : comment s’enrichir en se séparant de ceux qui travaillent
- Les réparateurs piégés par les représentants de commerce
- L’école des couteaux etc. etc.
- Alors , courage !
- On verra
- Tu pourrais au moins remercier tous ceux qui ont eu de la compassion pour lui
- C’est vrai, çà, mais je n’ai pas le courage de ronronner
Je remercie tous ceux, et ils sont nombreux , qui ont compati au décès accidentel – et cruel – de Caramel.. Je les en remercie de tout cœur et je verrai ce que je peux faire , ne serait-ce que pour qu’on n’oublie pas trop vite mon jeune, vif et trop confiant ami et élève.
Caramel est mort
Un assassin en voiture l’a tué
Dans le caniveau il l’a jeté
Ce n’est qu’un chat pense l’assassin
Un chat trop confiant
Sa tête est pleine de sang
Il ne crie pas, il râle
Sa mâchoire tremble
Son corps se raidit
Comme quand il étirait ses pattes
Avant de s’endormir en rond
Une voiture est passé sur son corps
Sans remords
Ce n’était qu’un chat pense-t-on
Il ne dormira plus en rond
Il n’étirera plus ses pattes
Il ne portera plus sa queue
En panache.
Il dort
Au firmament des animaux
Son étoile brille encore
Comme un fanal qu’il aurait
Laissé derrière lui.
Mais il nous a abandonné
Il était beau, il était fin,
Il était intelligent
Mais il n’a rien pu faire.
En voiture, on se croit malin.
Caramel est mort
De l’inconscience de gens pressés
Forts de leur seul monstre d’acier
. De la violence toute bête
De gens qui se croient « civilisés »
Parce qu’ils ont une voiture
Dont ils ne peuvent se passer.
Caramel est mort.
Adieu.
- Dis-moi,
Caramel, on me reproche de n’avoir parlé ni de peau de zébi, ni de peau de bouc, ni de peau d’Âne, ni de peau de toutou.
- Nini peau de chien : Tout çà, c’est des fariboles. Moi, je m’occupe de mes maîtres.
- Tu t’occupes de tes maîtres ?
- Oui, ils sont vieux et ils sont inconscients.
- Inconscients ?
- Oui, l’autre jour, ils ont traversé le Bassin par grand vent et par grand froid.
- Et alors ?
- Depuis, je ne les lâche pas d’une semelle.
- Et que fais-tu pour eux ?
- Tout.
- Tout ?
- Oui : la vaisselle, les lits, l’aide-soignant.
- Explique-moi çà.
- En léchant leurs assiettes, je leur ai fait économiser je ne sais combien de machines à laver la vaisselle.
- Et pour les lits ?
- Dès que je les vois tirer les draps, je monte les aider : je tire, je me glisse dessous, et pour la couverture, je me roule dedans.
- Tu appelles çà les aider ?
- Bien sûr. Sans moi, ils n’auraient pas un lit aussi bien fait, sans une ride.
- Tu ne les aides pas pour la poussière ?
- Mais si. Avec ma queue de renard, je vais sous les meubles où ils ne vont jamais.
- Que leur demandes-tu en échange ?
- Qu’ils me nourrissent chaque fois que j’ai faim et qu’ils fassent ma caisse chaque fois qu’elle est sale ou mouillée.
- Tout çà ne me dit pas comment tu fais pour être garde-malade.
- Je monte sur les genoux de ma maîtresse chaque fois qu’elle a mal au genou pour tenir chaud à ses rhumatismes et sur les genoux du maître chaque fois qu’il se met à l’ordinateur.
- Tu ne vas pas me dire que c’est toi qui tape ses textes ?
- Non mais je souffle ses mots. Il commence à en oublier, tu sais. Pour les textes, mon blog me suffit.
-
Continue à bien les veiller.
- Le problème, c’est que, lorsqu’ils vont dans la rue, je voudrais bien les suivre, mais les autos me font peur.
- Et tu as bien raison Caramel. Gardes-toi, ils se garderont. Gardes-les, ils te garderont.
-
Merci, Mouss’ de tes conseils toujours pertinents
Photographies de Régine Rosenthal
- « Lorsqu’avec ses enfants, vêtu de peau de bête… »
- Quelle horreur, d’où sors-tu çà
- De Victor Hugo.
- C’est abominable, on devrait interdire de tels écrits.
- Ce n’est pas de chat qu’il s’agit.
- Ah, bon ! Et de quels animaux ?
- Les peaux de lapin, c’est pour le chiffonnier, la peau de veau ou de vache pour les cartables d’écoliers, la peau de crocodile pour les sacs ou les chaussures de femmes
- Étonnes-toi après çà si le crocodile croque Odile
- Les peaux de bébé phoques, de zibeline, de vison, l’astrakan c’est pour les élégantes, les peaux de lion pour mettre au mur, les peaux de tigre sur les lits, les peau de chèvre à leurs pieds
- Aux pieds des tigres ?
- Non aux pieds des lits
- Et les peaux de mouton adulte ?
- C’était pour les bergers landais mais ils les mettaient à l’envers
- Seulement les bergers ? Ce n’est pas très démocratique, tout çà.
- Les bourgeois ont la peau de daim pour leurs chaussures, les russes, même communistes, ont des peaux d’ours en chapka, manteaux, bottes fourrées.
- Ils ne pouvaient pas faire arrêter çà ?
- Ils n’avaient pas encore fait alliance avec les Verts
- Il n’y avait pas de Verts au temps des hommes préhistoriques ?
- Oh, tu sais, ceux-là, ils n’ont pas inventé la poudre, ni le fil à couper le beurre.
- Les Verts, ou les hommes préhistoriques ?
- Les hommes préhistoriques.
- Ils ont quand même inventé le racloir de silex et la hache de pierre.
- Pour se vêtir ?
- Il faisait froid en te temps là, ils ne connaissaient pas encore le réchauffement de l’atmosphère. Alors, quand ils avaient trop froid, ils tuaient un ours, un bison, un renne, un élan dont ils raclaient la peau pour se vêtir.
- Que faisaient-ils de la chair
- Je suppose qu’ils la mangeaient
- Pauvres gens ! Obligés de chasser pour manger. Ils n’avaient pas de grandes surfaces à proximité ?
- Si : la prairie et la toundra.
- Ils savaient parler ?
- Oh oui : les hommes se disaient Aî et les femmes Aâ.
- Tiens, les noms des Polonais viendrait-il de la langue préhistorique ? Comment disaient-ils un chat, une chatte ? Rousky , Rouska, comci, comçà ?
-
Je ne sais pas, je ne sais même pas s’il y avait des chats en ce temps là.
- Alors, garde-les pour toi, tes histoires d’abattoirs et rapporte-moi une jolie petite souris, bien vivante, pour jouer, ou un bon bifteck, bien saignant pour le déjeuner.
-
Tu verras qu’un jour ils se serviront de nos peaux pour soigner leurs rhumatismes.
Photographies Régine Rosenthal