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4 octobre 2011 2 04 /10 /octobre /2011 06:33

la pinasse« Je me souviens d’un temps où j’avais embarqué avec Cap de Fer pour les Antilles. C’était en mil neuf cents et quelques. Çà lui disait bien quelque chose, les Antilles, à cause du rhum qui est la boisson la plus répandue sur toutes les mers du globe. Nous partions de Bordeaux. Autant dire que nous assouvissions chaque fois nos pulsions de départs[1]. Et ce n’est pas la Berthe qui m’en aurait empêché. Elle n’est pas de taille à lutter contre les fantasmes de son matelot d’homme[2].

« On leur en a tellement raconté, à tous les moussaillons, de rencontres de filles se baignant après avoir fait la lessive, qu’une fois devenus matelots, ils croient dur comme fer qu’il suffit d’approcher d’une terre pour voir entre les buissons des filles qui se baignent, nues forcément, puisque c’est après la lessive. Même le vieil Homère, que tu n’as pas connu, vu que tu n’étais pas né, rêvait encore, des années après, à sa Nausicaa[3]. Comme si les filles ne pensaient qu’à çà : faire la lessive et se baigner. Et remarque bien, petit, que ce ne sont jamais les grand mères qui font la lessive dans les histoires de marins. C’est un travail réservé rien qu’à des filles joueuses, fraîches et sensuelles. Quand l’une d’elles s’enfuit, c’est toujours pour narguer son poursuivant et par désir de jeu[4]. Quand on entend d’ardents « Jésus Maria » ou « Ah Mamaï » de derrière les bosquets, ce ne sont jamais des prières, plutôt des ex-voto[5].



[1] Ces désirs inassouvis comme les appelle Jean de la  Ville de Mirmont ont été catalogués comme syndromes de Marius (d’après Pagnol) par les médecins de la Marine avec variante tropicale dite aussi mal de Corto Maltese

[2] «Bonnes gens qui allez dormir à l’aise et qui, les pieds chauds sous vos draps, entendez dans les nuits d’hiver le vent frapper en pleurant à vos fenêtres, pensez qu’il y a, à la même heure, des hommes en un point de la mer immense qui ne dorment pas […]. Bonnes gens, pensez aux gens de mer. Si vous venez de laisser votre livre favori, là bas, il est minuit moins dix minutes et c’est l’heure ou on réveille au quart. […] La vie à bord est en dehors de la loi commune, […] mais si dure qu’elle soit, ils la préfèrent encore à tout autre et aucun d’eux ne voudrait changer d’état» 1 . Léopold-Constantin Pallu : Les gens de mer – Bibliothèque des gares 1860

 

[3] «  Ulysse s’avançait vers ces filles bouclées : le besoin le poussait…(çà ne te rappelle rien?) Quand l’horreur de ce corps tout gâté par la mer leur apparut, ce fut une fuite éperdue jusqu’aux franges des grève. Il ne reste que la fille dAlkinoos : Athéna lui mettait dans le cœur cette audace et ne permettait pas à ses membres la peur. Debout, elle fit tête… » Homère L’Odyssée.

[4] « Plus loin les Portugais trouvent celles qui se baignaient toutes nues : d’abord elles commencent à crier …Plus d’un Portugais saute dans l’eau tout habillé…Le galant Léonard courait après l’agréable Ephire, vrai modèle de la beauté même…Arrêtez inhumaine ! Tant de cruauté s’accordent mal avec tant d’appâts ; les autres nymphes se rendent ; vous êtes la seule qui ne se laisse pas fléchirCharmée des plaintes amoureuses de Léonard, elle ne fuyait plus que pour goûter le plaisir de les entendre ; enfin elle s’arrête ; elle se laisse tomber en riant aux pieds de son vainqueur, et ses yeux pleins de flammes disent que la défaite n’est point le fruit de la lassitude » Camoens, l’Île enchantée, épisode des Lusiades, dans Voyages imaginaires , t.XXVII

[5] « On aperçoit souvent à travers le feuillage grêle, des négresses ou des cholas qui sont venues laver du linge… Les Franceses et les Gringos surprennent souvent ces nymphes au moment où elles sortent de l’eau ; mais elles sont moins sévères que la chaste Diane. Aucune main ne s’étend, dans un geste irrité ; on n’entend que des Jésus Maria, des ah mamaï et des éclats de rire ». Léopold Constantin Pallu  Les gens de mer Hachette. Bibliothèque des Chemins de fer 1860 page 50

 

Céramique de Nicole Chatignol

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4 octobre 2011 2 04 /10 /octobre /2011 06:27

Mon maître ne s’est même pas aperçu que j’avais bidouillé ses textes. Alors, je continue

Mije

Mitge chatte Isabelle AF 8782 

 

Les jalousies de l’esprit passent toujours celles du cœur : si les unes peuvent s’oublier, les autres sont inaltérables.

Les jalousies de chats sont moins hypocrites que celles des humains. Elles s’expriment en grognements.

 

C’est très important la photo sur un quotidien : c’est la récompense suprême que l’on garde, avec l’article qui l’accompagne, dans le fond d’un tiroir et qui fait dire à l’aïeule recevant ses petits enfants : « tu vois, là, c’est moi à côté du Maire. J’ai eu droit à la photo. Les bons élèves seuls y ont droit. Je sais bien que ne sont pas forcément les plus adroits mais ce sont les plus habiles, ceux qui savent obéir au bon moment, à la bonne personne. C’est fou comme l’école marque les gens jusque dans un milieu de retraités.

 

C’est très important une photo de chat : ça flatte les maîtres. Autrement il y en aurait beaucoup moins sur les blogs.

 

Personne autant qu’un néophyte n’a la certitude des bonnes conduites 

Personne autant qu’un chat ne sait jusqu’où il peut aller pour obtenir ce qu’il réclame.

 

Il y a des gens qui parlent vite et fort de peur qu’on les interrompe. Rien d’autre ne les intéresse qu’eux-mêmes et leurs petits soucis, leurs ragots et leurs certitudes.

Un chat qui miaule fort n’est pas un chat amoureux, c’est un chat qui revendique.

 

Le hasard nous conduit plus habilement que la raison. 

Le hasard et l’obstination finissent par conduire les chats dans les bonnes maisons

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3 octobre 2011 1 03 /10 /octobre /2011 17:40

J’ai trouvé sur l’ordinateur de mon maître de ridicules prétentions « à imiter La Rochefoucault ». Ne sachant pas comment les effacer, j’ai corrigé ces inepties à l’encre rouge qui est celle des corrections. Vous voudrez prendre bonnes notes.

Signé : Mije

 Mitge 2 entre mes pieds

 

Du comportement des hommes  des chats

 

Le sourire des lèvres cache souvent les grimaces du cœur

Les grimaces de chats hérissent les moustaches

 

Paraître est parmi nos désirs l’un des plus fréquents mais aussi l’un des plus pernicieux : il gaspille jusqu’à nos plus intimes qualités.

Monter sur les genoux de nos maîtres est de nos plus puissants désirs mais aussi des plus pernicieux : c’est un acte de soumission

 

Les actes les plus vils sont souvent commandés par un amour-propre déréglé.

Les actes les plus lèche-pieds nous sont commandés par notre désir de plaire.

 

Nous n’accordons notre confiance que par la vanité qui nous porte à croire qu’elle est réciproque.

Nous n’accordons notre confiance à nos maîtres que parce que nous croyons qu’ils ont gardé l’amour des peluches.

 

Bien des minauderies cachent des crapuleries.

Bien des minauderies de maîtres cachent leur désir hypocrite de se débarrasser de nous au plus vite sans nous offusquer.

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3 octobre 2011 1 03 /10 /octobre /2011 06:22

4-copie-1.jpgMon chat a déclaré sur son blog ce matin qu'il ne se présdenterait pas aux présidentielles, la dynamique des chats ne lui permettant pas d'être présent au second tour...s'il y a un second tour.

 

 

 

Photographie de Régine Rosenthal, reporter  politique des chats

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3 octobre 2011 1 03 /10 /octobre /2011 06:17

la pinasse« Tu sais, petit (il commençait toujours ainsi), l’appareillage d’un bateau c’est pareil à la toilette de la mariée. Tout le monde s’y met comme s’ils devaient tous coucher avec[1]. On sait bien pourtant que ce n’est rien que des rêves de matelots. La preuve, c’est qu’on était quelques-uns à prendre un solide acompte et qu’on nous embarquait la tête la première quand nous finissions par trouver le bateau[2].

« Quand on regarde depuis la terre, on peut toujours avoir des idées de terriens,  pleurer sa vieille mère ou trouver beaux les goélands lorsqu’ils crient leurs fantasmes de crânes défoncés et d’yeux arrachés dans les vagues : ça n’a jamais empêché un marin de partir. Surtout pour aller aux îles[3].

« Les terriens croient toujours que l’Océan, c’est ce qui est en bordure d’un continent. Nous savons bien, nous autres, que c’est la terre qui est tout autour des mers et même quelquefois au milieu, comme les îles. Un marin ne réalise jamais vers quelle île il navigue. C’est pourquoi il se fait des idées : îles à Robinson, îles à corsaires, îles de filles qui attendent avec des fleurs plein les bras et des lits profonds comme des hamacs. Et quelquefois il rêve à des belles qui sont abandonnées dans leur amour blessé. Alors, petit, les marins se font les grands consolateurs des femmes par devant l’Eternel.

céramique de Nicole Chatignol

[1] « Dans le port, la Dévorante, se peigne les cheveux de corde avec une grand vergue d’écaille. Elle a une robe de goudron, et un gouvernail délicat au bout du sein. Des matelots insignifiants exécutent des manœuvres obscènes sur son dos. »  Joseph Delteil, Choléra, chapitre XV, « Milady »

[2] « Tout ce qui pouvait se tenir un brin sur les pattes de derrière, par les sabords ; le reste, avec le palan de bout de vergue comme les moutons et les porcs. Mais faut être juste avec tout le monde, les porcs d’abord, ils sont moins cochons ». Jal, tome I

[3] « Mais voici que la Dévorante appareille. Luc se tient sur le quai, un petit miroir à la main. Son complet de flanelle crue s’ajuste à ses songes de mousse plein d’île ; un minuscule baluchon à carreaux brinquebale sur son épaule ». Joseph Delteil Choléra.

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2 octobre 2011 7 02 /10 /octobre /2011 16:08

1-copie-3.jpg-- Tu as vu, Mouss', les bons contes font les bons amis

- Tu préfères lesquels?

- Les contes de chats bien surs

- bon, je vais voir Delphine et Marinette pour voir si...

- Tu veux voir les contes modernes maitnenant

- Oui parce que don Quichotte c'est un peu vieux, tu ne crois pas?

- Bien sûr quoique don Quichotte sur le Bassin...

- C'est ta dernière histotire, çà

- Oui

- Eh bien , je la trouve trop longue

" Un chat se grattait les puces et les puces piquaient le chat. Que croyez-vous qu'il arriva? On fit partir les puces et on chassa le chat.

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2 octobre 2011 7 02 /10 /octobre /2011 11:33

 

 

Sous le lourd soleil d’une lande infernale laissant à sa gauche d’immenses montagnes de sable, Don Quichotte avançait, roide comme la justice qu’il était censé devoir représenter, aussi droit que sa pique, bien calé entre deux proéminence d’une haridelle aussi  maigre que lui. À ses côtés Sancho Pança roulait sur un âne aussi rond que lui et qui butait à chaque racine de pin courant sur le sol comme vipères pétrifiées. Le chevalier et l’écuyer pensaient être en  bout de monde tant ils entendaient rugir des lions tout autour et surtout du côté de l’Océan.

-          Des lions de mer, dit Sancho qui préférait trouver à manger que servir de repas à des fauves déchaînés.

-          Tu vois, Sancho, répondit son maître, si nous sortons vivants de cette aventure, je te ferai gouverneur de l’île aux Oiseaux qui est une île entourée de terre de tous côtés ce qui vaut mieux, pour communiquer avec le continent,  qu’une île perdue dans l’Océan.

Il était de la race de ceux qui construisent sur le sable comme le furent plus tard Pereire et quelques autres. C’était l’époque où des seigneurs catalans, gascons ou francès multipliaient les bastides autour d’un pieu censé représenter le centre de la place marchande Ayant suivi le bord déserté d’une mer semée de débris comme s’il s’y était livré une terrible bataille navale, Il se crut en pays vierge n’ayant point encore aperçu homme ni femme en ces lieux. Il se sentait tout fier d’être le premier à fouler cette terre désertique, ignorant qu’un moine de son espèce avait déjà cueilli une Vierge sur un des bancs oublié là par l’Océan à marée basse et préparé une chapelle provisoire au Bernet[1]. Comme quoi un brave chevalier peut n’être que e second de quelqu’un. Plantant sa pique dans le sable d’une plage aux bords apaisés d’une large baie qu’il prit pour la baignoire d’une sirène il dit : c’est ici, en cette place, que je fonderai ma ville. Je l’appellerai Arcachon car le nom m’est plaisant et évoque déjà riches maisons et enchantements de cour comme en offrent riches chevaliers à leurs dames de cœur et nous y ferons venir troubadours pour y chanter les exploits de fin amor.

Faisant fi des observations de son fidèle Sancho qui lui rappelait le vieux proverbe marin qu’il faut se méfier de la chanson de la sirène, de la queue de la baleine et du clocher de Mimizan[2], Don Quichotte semblait soucieux. Il avait bien d’autres soucis en tête - en particulier cette annonce que lui avait faite une pythonisse de son pays où elles sont renommées - du combat qu’il aurait à mener u n jour contre de blancs géants que les forces infernales ne manqueraient pas d’aligner sur le rivage face à la mer et au vent. Il ne craignait pas tant l’agitation de leurs bras que le flou des prédictions de la voyante qui, ainsi qu’avait fait Nostradamus en ses prédictions, avait oublié d’en préciser clairement la date. La pensée de sa Dulcinée qui l’aidait à se garder en chevalerie quelles que soient les circonstances, l’aiderait à vaincre, c’est certain, et il irait déposer aux pieds de sa gente dame et sous les applaudissements de la cour, les ailes des géants morts ainsi que font toréadors des oreilles et de la queue des taureaux qu’ils ont vaincus en dur et loyal combat.

Tournant sa monture, entrant bravement dans le champ de dunes que Brémontier n’avait pas encore fixées Don Quichotte avançait vers La Teste à pas feutrés inaudibles en raison de la forte épaisseur de sable qui couvrait les chemins. À ses côtés Sancho Pança roulait avec sa monture sur la pente d’une dune dont il se releva la bouche pleine de sable.

-          C’est parce que tu n’es pas chevalier dit don Quichotte. Un parfait chevalier doit rester impassible sur sa monture.

Et, sans plus s’occuper de son compagnon, qui suffoquait à ses côtés il entrait dans une ville de sable aux maisons basses passées au goudron que dominait alors une tour de fière allure.

-          Voici, dit-i, un bien beau refuge pour un chevalier errant. Je vais de ce pas aller rendre hommage à la dame de ces lieux

Et priant Sancho de l’attendre au pied de la tour il entrait dans la salle où un garde chantait à tue-tête des chansons grivoises tout en lutinant une femme sur ses genoux. Choqué par cette attitude de ruffian et se figurant que les hauts cris de la belle étaient des appels au secours, le chevalier,  abaissant la visière de son casque, bondit lance au point pour délivrer tant gente dame de son tourmenteur qui fut expédié contre le mur de la salle de garde et demeura affalé sur le sol pavé d’icelle tant et si bien qu’on le crut mort. Ce que voyant la testerine, un moment ébahie, se pendit au cou de l’armure de don Quichotte et, malgré la froideur du métal et du visage de celui qu’on surnommait le Chevalier de la Triste Figure, le gratifia sur la bouche métallique de son heaume d’un parfait baiser de fin amor qui le frappa jusqu’au cœur, le laissant tout achatourli[3]. Quand il réussit à lever la visière et qu’il put enfin parler le Chevalier lui tint ce langage :

-          «  Gente dame de haut lignaige je vous eus volontiers servi si ne m’attendait à Toboso madame Dulcinée du Toboso qui est la dame dont je suis chevalier servant bien que toujours errant. Je fais ici serment de chevalier que vous resterez ma dame d’amour de loinh ainsi que fut à Tripoli la dame de Geoffroy Rudel. La récompense que vous me servîtes me suffira si vous vous rendez à la cité du Toboso afin d’y dire de point en point à ma Dulcinée tout ce qui s’est passé entre nous et que le Chevalier de la Triste Figure se recommande à elle. Quant à moi il me faut continuer le combat chevaleresque dans lequel je me suis engagé et pour lequel je fus adoubé en une taverne il y a de cela quelques dix ans passés.

Sancho qui était resté à l’écart et avait pressenti dans les désordres de toilette de la dame je ne sais quel diabolique message gesticulait en vain afin d’attirer son attention de son maître sur le débraillé de la donzelle un tantinet déconfite.

Sans plus s’attarder à cet exploit don Quichotte sortit de la salle pour tomber dans un de ces culs de basse fosse dont sont truffés les vieux châteaux surtout en bord de mer où ils s’emplissent d’eau aux fortes marées de maline. Nous n’étions heureusement qu’en morte-eau et quelques indigènes, accourus aux cris du brave Sancho, se mirent en demeure de sortir son maître de ce mauvais pas.

Dès qu’il fut hors de son trou à rats don Quichotte tint à remercier ses sauveteurs.

« Braves gens, dit le Chevalier, usant d’un langage viril en diable, demandez ce que vous voulez au grand don Quichotte : il ne sera pas dit que vous ayez servi un ingrat

-          Moi, dit le premier, je  voudrais bien avoir à manger autre chose que pain sec et sardines, ben qu’ayant  du bar de temps en temps.

-          Or çà, dit don Quichotte, je ne puis rien faire pour vous, un chevalier errant vit de quignons de pain sec d’anchois au sel et rarement de bacalao[4]. Trop manger rend mou. Apprenez à jeûner quelquefois. Voyez-nous, Rossinante et moi, aussi secs que vos hippocampes qui sont modèles de race chevaleresque.

-          Sire, dit le second, l’hiver est froid et nous n’avons pour nous réchauffer que les brindilles de la forêt usagère que notre seigneur nous accorda par baillette en 1468.

-          Je ne pourrais, dit l’homme de justice, aller à l’encontre de votre seigneur que je trouve bien généreux en ses résolutions. Si vous avez froid, battez-vous les flancs à grands coups de bras ou allez bûcheronner pour avoir pin vif à bâtir tilloles et chaumines.

-          Pitié, dit le troisième : il y a tant d’eau dans la lande l’hiver que nous sommes noyés jusqu’à mi jambes et perclus de rhumatisme quand nous y  cheminons.

-          J’ai pourtant vu, répondit Sa Seigneurie, de vos bergers qui vont au-dessus des flaques montés sur de solides jarrets durs comme bois qui sont dit shanks en Angleterre et que vous appelez chanques[5]. Je ne peux rien vous offrir de mieux que d’imiter ces géants pacifiques au poil bouclé comme peaux de moutons.

-          Mais rien n e pousse sur le sable dit le dernier

-          Çà, je vous promets qu’alentour la ville que je bâtirai il poussera touristes par milliers tant que vous en serez bientôt hartés[6] au point de crier grâce.

-          J’aimerais mieux crier grasse provende de cette espèce que chanter grâces à Notre Seigneur dit l’homme décidément bien mal embouché. « Ba-t-en, caracou »[7]

Tandis que don Quichotte se reposait de ces aventures, les braves indigènes s’assemblèrent pour délibérer de ce qu’ils pouvaient en attendre. Le trouvant aussi sec de cœur qu’exempt du Roi, ils entreprirent de se payer sur la bête, c'est-à-dire sur les hommes dont ils espéraient s’emparer de leurs biens comme ils font souventes fois au nez et à la barbe des gabelous desquels ils se gaussent, en costoyant[8] à chaque naufrage de navire qu’il fût naturel ou provoqué. Ils eurent tôt fait de laisser Sancho Pança aussi nu qu’un ver et s’ils ne purent y parvenir pour don Quichotte c’est qu’il avait l’armure chevillée au corps ne l’ayant jamais ôtée depuis qu’i l fut adoubé chevalier, ayant juré la garder tant qu’il n’aurait pas rendu hommage de  ses exploits à Dulcinée demeurée tous ces temps en sa ville de Toboso sa dame en chevalerie.

-          Il faut vous vêtir dit don Quichotte et qu’à ce jour je tienne la promesse que je vous fis d’un gouvernement. Au nom du Roi notre maître et en ma qualité de chevalier, Je vous fais céans gouverneur de l’île aux Oiseaux que nous apercevons d’ici.

L’âne de Sancho et Rossinante s’étant enfuis aux premiers horions de l’algarade, il fallut bien en attendre leur retour avant d’aller de l’avant. Ayant trouvé des pignots[9] sous un tas de varech, le brave Sancho entreprit de les assembler en radeau avant d’y arrimer l’âne et la haridelle qu’ils maintinrent debout tout au long de la traversée tandis que le courant les entraînait vers cette île où don Quichotte allait installer dans son auguste nudité le gouverneur qu’il venait de promouvoir.



[1] Thomas Ilyricus venait de recueillir une Vierge arrivée par naufrage et de construire une chapelle pour l’y vénérer.

[2] Mefie-te de la cansou de la sirene, de la coude de la aleine et do clouquey de Mimizan – proverbe marin : la sirène à cause d’Ulysse, la baleine à cause de Melville, le clocher de Mimizan à cause de la dune qui passe à droite ou à gauche deu clocher ;

[3] Amoureux d’une jeun e fille : voir Amour courtois et libertinage par Didier Alibeu éditions Loubatières

[4] La morue sèche – qui a séché à Bacalan.

[5] Échasses dont ont usé les bergers

[6] En avoir assez

[7] Va-t-en, caraque – le caraque étant, selon les circonstances l’espagnol, le gitan, le gueux, ou, pour tout dire, l’estarangey

[8] Action de naufrageurs ou pilleurs d’épaves

[9] Troncs de jeunes pins à tous usages de la barrière au mobilier nautique – utilisé ici à contre-emploi comme bien des épaves.

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29 septembre 2011 4 29 /09 /septembre /2011 11:22

- Pourquoi la balance de la justice penche-t-elle toujours

- Parce que, pour être juste, il faut qu'elle soit tarée.

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29 septembre 2011 4 29 /09 /septembre /2011 11:10

- Tu connais l'histoire du vieux matelot?

- Si tu Amour de chatne me la dit pas, comment veux-tu que je la connaisse.

- Ecoutes

 

  

Came de Pouletest ce vieux matelot que nous allions voir, enfants, au seuil de la cabane où il ramendait des filets. Il en fixa it le bout à la porte qui tremblait à chaque aiguillée qu’il voulait énergique. Il avait navigué, c’est sûr, mais personne ne savait où, tant il mêlait le vrai et l’invraisemblable. Il aurait voulu être forgeron comme son père mais il savait par expérience, ayant tiré le soufflet quand il était « drolle », que le chaud donne soif. Comme il craignait cet état plus que tout autre, il buvait avant d’allumer la forge, ce qui lui en ôtait instantanément la force et l’envie. Alors, il s’est fait marin, roulant sa bosse sans souci de travail régulier loin de tout, fors de l’eau de mer qu’il contemplait par dégoût de macération pour guérir péché d’intempérance qu’il savait ne pouvoir brider à terre.

Depuis qu’il était aux invalides – ce qui est depuis Colbert la retraite du matelot – il menait une vie réglée comme papier à musique. Il quittait sa maison à midi tapante, heure à laquelle il l’abandonnait à la Berthe, aussi sèche qu’il était rond et dont on ne savait plus au village, tant elle était antique, si c’était sa sœur, sa servante, sa maîtresse ou les deux premières comme en ont curés au presbytère ou les deux dernières comme en ont vieillards libidinaux en leur veuvage.

 

- Tu  crois qu'ils voudraient connaître la suite?

- Qui çà?

- Ceux qui ont lu nle début pardine...

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28 septembre 2011 3 28 /09 /septembre /2011 07:33

4-copie-2.jpgDans le monde où nous sommes il se trouve peu d’innocents. je veux dire de ceux qui ne sont pas seulement demeurés. Des innocents pure laine. Tout blancs à la face des autres, de ceux qui savent faire enfler une rumeur d’innocence jusqu’à ce qu’elle vienne baver son écume comme fait la vague sur le sable.

Il y avait à Troulichon-sur-mer un homme adorable, poète à ses heures et qu’on eut trouvé bourré de talents s’il n’eût été discret et n’eût voulu, en toute innocence, prouver son innocence aux yeux de tous. Tâche impossible. Il crut pouvoir faire appel à la justice . Elle se moquait bien des innocents! Ne pouvant être innocent de plein droit il entreprit de devenir présumé innocent. Pour cela il faut au moins être soupçonné d’un délit. Il en avoua deux, de ceux qui laissent froids les politiques et ne font même pas rosir les petites filles qui disent des mots crus avec cet air d’innocence qu’on ne prête qu’aux anges.

Mis en examen, notre homme crut accéder au nirvâna. Il connut la liberté surveillée et la mise sous verrou avec tout l’appareil qui accompagne la justice - de la détention  à la fouille au corps en passant par la promiscuité des cellules et le cantinage - toutes inventions dignes des bois de justice dont on entretenait nos craintes à l’école. Les journaux en ont parlé. Ils signalèrent sa prétendue innocence en termes peu flatteurs. C’est comme s’il avait payé trois insertions consécutives : le jour de l’arrestation, le jour du procès et le jour de l’appel. Il entreprit de faire reconnaître son innocence de prétendu innocent. Ce fut dur, très dur. Ce fut long, très long. Et aussi peu efficace qu’un traitement psychiatrique. Quand enfin la justice qui tarde toujours à punir comme à relaxer l’a reconnu innocent, il s’est senti rejeté  dans le magma des gens qui ne sont rien. On ne parle jamais des reconnaissances d’innocences. Elles sont trop nombreuses,

Vous me direz que, pour se faire connaître du grand public, le seul qu’il désirât atteindre, il aurait pu faire la grève de la faim, une tentative de suicide, tâter l’évasion ou se laisser massacrer par son voisin de cellule. Il n’en eut pas le courage, sa griserie de gloire n’ayant pas résisté à la cellule de dégrisement. Il arrive toujours un moment où nos rêves butent sur l’action. Il comprit, mais un peu tard, que la seule façon de faire parler de soi est d’être reconnu victime d’une erreur judiciaire (mais la justice, qui en a tant commis autrefois, s’en méfie aujourd’hui). On finit toujours par oublier la culpabilité crapuleuse d’autant plus qu’il est interdit de parler de l’affaire jugée. De la présomption d’innocence aussi. C’est pourquoi elle vous colle à la peau pour toute une vie. La rumeur reste.

Notre homme ne put jamais se faire oublier. Il finit par mourir. Une main complaisante écrivit sur sa tombe.

Celui qui gît ici voulait que l’innocence

Par la cour de justice enfin fut déclarée.

Du ciel invoquez la clémence

Pour cette pauvre âme égarée

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