Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Terre et mer

la pinasse« Tu sais, petit (il commençait toujours ainsi), l’appareillage d’un bateau c’est pareil à la toilette de la mariée. Tout le monde s’y met comme s’ils devaient tous coucher avec[1]. On sait bien pourtant que ce n’est rien que des rêves de matelots. La preuve, c’est qu’on était quelques-uns à prendre un solide acompte et qu’on nous embarquait la tête la première quand nous finissions par trouver le bateau[2].

« Quand on regarde depuis la terre, on peut toujours avoir des idées de terriens,  pleurer sa vieille mère ou trouver beaux les goélands lorsqu’ils crient leurs fantasmes de crânes défoncés et d’yeux arrachés dans les vagues : ça n’a jamais empêché un marin de partir. Surtout pour aller aux îles[3].

« Les terriens croient toujours que l’Océan, c’est ce qui est en bordure d’un continent. Nous savons bien, nous autres, que c’est la terre qui est tout autour des mers et même quelquefois au milieu, comme les îles. Un marin ne réalise jamais vers quelle île il navigue. C’est pourquoi il se fait des idées : îles à Robinson, îles à corsaires, îles de filles qui attendent avec des fleurs plein les bras et des lits profonds comme des hamacs. Et quelquefois il rêve à des belles qui sont abandonnées dans leur amour blessé. Alors, petit, les marins se font les grands consolateurs des femmes par devant l’Eternel.

céramique de Nicole Chatignol

[1] « Dans le port, la Dévorante, se peigne les cheveux de corde avec une grand vergue d’écaille. Elle a une robe de goudron, et un gouvernail délicat au bout du sein. Des matelots insignifiants exécutent des manœuvres obscènes sur son dos. »  Joseph Delteil, Choléra, chapitre XV, « Milady »

[2] « Tout ce qui pouvait se tenir un brin sur les pattes de derrière, par les sabords ; le reste, avec le palan de bout de vergue comme les moutons et les porcs. Mais faut être juste avec tout le monde, les porcs d’abord, ils sont moins cochons ». Jal, tome I

[3] « Mais voici que la Dévorante appareille. Luc se tient sur le quai, un petit miroir à la main. Son complet de flanelle crue s’ajuste à ses songes de mousse plein d’île ; un minuscule baluchon à carreaux brinquebale sur son épaule ». Joseph Delteil Choléra.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
Q
<br /> La parité ? Je n'y crois pas vraiment.<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> Il faut y croire<br /> <br /> <br /> <br />
Q
<br /> Si j'avais su nager, si j'avais été homme, j'aurais été marin.<br /> <br /> ... surtout lorsque vous en parlez !<br /> <br /> Bonne journée, Charles.<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> Mais tous les marins ne savent pas nager. Et la parité, qu'en faites-vous?<br /> <br /> <br /> <br />