- Tu as vu, m’as dit Mouss’, hier
soir, la Tour Eiffel était en panne.
- Comment en panne ?
- Oui, elle était toute noire.
- Ce n’est que çà ? Hier c’était un jour sans.
- Sans viande ?
- Non, c’est fini, çà, sans lumière et il n’y a pas qu’elle qui était
dans le noir. Tous les monuments, dans le monde entier, ont été éteints.
- Pourquoi ?
- Pour retarder le réchauffement de la planète.
- C’est çà qu’on appelle des économies de bouts de
chandelles ?
- Pas de chandelles, d’électricité.
- Çà commence comme çà : une heure, puis un jour, puis un mois,
puis tout le temps. Est-ce qu’il va falloir peindre en bleu les bords de fenêtre ?
-
Non, çà c’était pour que la lumière ne se voit pas depuis l’extérieur. Même pendant la guerre on ne nous a jamais interdit d’allumer, on nous coupait plutôt le
courant. C’était plus efficace.
-
C’était pour retarder le réchauffement de la planète ?
-
On ne peut pas dire vraiment çà. Pour l’instant on s’est borné à faire éteindre tout ce qui est public.
-
On a coupé la lumière au Parc des Princes ?
-
Dis-moi, Mouss’, tu saurais jouer au foot sans voir le ballon, toi ?
-
C’est vrai. On aurait pu couper la télévision.
-
Avec tous ceux qui attendaient devant leur poste pour voir le matche de leur vie, ce n’est pas une révolte qu’on risquait mais une révolution. Et
puis…
-
Et puis quoi ?
-
Si tu coupes la télé une heure, un jour, il y a des téléspectateurs qui risquent de ne jamais y revenir.
-
Comme aux urnes ?
-
Comme aux urnes.
Les
abstentionnistes au fond, c'étaient des précurseurs ?