11 novembre 2011
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Était-il soucieux de garder longtemps le mystère du message ? Était-il désireux de conserver intacte la bouteille ? Se devait-il de résister à
une force inconnue qu’il sentait vaguement diabolique ? Il a tenu six mois contre une curiosité grandissante. Six long mois pendant lesquels il ne s’est pas passé un jour sans qu’il vint
mirer la bouteille
Et puis un jour qu’il se sentait las, quelque diable sans doute aussi le poussant, il
en vint à casser sa bouteille. L’odeur qui s’en dégagea instantanément l’obligea à sortir. C’est donc dehors, debout sous les buissons, hébété, crachotant, qu’il a déplié le parchemin. Le message
était encore visible mais difficile à déchiffrer tant les lettres avaient été gommées par le temps.
Photo J.C.Lauchas
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les contes de mon chat
10 novembre 2011
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Le plus étrange c’est que cette bouteille, lorsqu’il l’eut bien en main, ne portait
plus aucune trace de vase, rien qu’une poussière
vénérable comme en portent les bouteilles qui n’ont pas quitté le chai depuis cent ans et plus. Personne n’aurait pu dire par quel mystère et quand
elle était venue en ce lieu, mollement bercée par la marée. Les pêcheurs, assez nombreux à fréquenter ces lieus où grouillent les pibales
n’avaient jamais rien deviné.
Pierre partit vite en ce lieu par lui tenu secret où il déposait des trésors amassés
au rivage. C’est là qu’après l’avoir longuement frottée il entrevit à travers le verre opaque la forme imprécise d’un rouleau.^
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9 novembre 2011
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07:44
Ce n’est qu’après des heures de patience qu’il parvint à passer au goulot de la bouteille une de ces ficelles que les garçons ont toujours en poche et qui
leur servent à lancer la toupie. Il tirait à petits coups comme on fait des objets fragiles qu’on manipule avec le maximum de précautions. La bouteille résistait. Vingt fois la ficelle faillit
rompre. Vingt fois il lui donnait du flou avant de tirer à nouveau.
La bouteille vint enfin avec un grand «floc » suivi d’un bruit d’huître qu’on
avale. Aucune marque, aucune étiquette aucun bouchon n’en mentionnait l’origine. C’était une bouteille vénérable aux formes plus lourdes que celles qu’on connaît aux bouteilles classiques et du
cachet de cire qui la fermait pendait un bout de lacet usé.
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8 novembre 2011
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Ce jour là, il vit une bouteille. Une bouteille n’est, après tout qu’un objet ordinaire, de ceux qu’on trouve en épave sur tous les
rivages et dans toutes les poubelles. Celle-ci le fascinait. Il en devinait les formes engluées dans la vase d’où seul sortait le goulot. Mais quel goulot ! Il était fermé par de la cire
jaune d’où pendait un bout de lacet pâli et tout rongé. Quelque chose lui disait de ne pas toucher à ce qu’on ne connaît pas. Mais est-on prudent à cet âge ? Et puis il y avait cette force
inconnue qui le poussait là où il savait par expérience que les imprudents sont happés par la vase que cachent les débris et l’écume sale de la mer. Aussi prit-il toutes les précautions qu’on
prend en pareil cas.^
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7 novembre 2011
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Pierre avait quinze ans quand arriva l’événement. C’était un garçon secret qui aimait se promener seul sur les bords de la Gironde. Pas sur
les chemins qui sont là pour tout le monde, mais dans ces halliers qui poussent à même la vase du fleuve et que l’on ne débroussaille que pour installer quelqu’estacade conduisant à un lieu de pêche, une de ces cabanes sur pilotis d’où pendent des
carrelets. Il aimait beaucoup ces terrains indécis, humides, spongieux, où la terre et la
mer se confondent, d’où monte la brume comme une fumée légère, où l’eau tapisse la terre de ces débris qui rendent incertaines les limites, où les chiens se mettent à l’arrêt devant les
ragondins. Un jour il y trouvait un bâton noueux, tout plein de mystère, un autre jour quelque boule échappée d’une cartomancienne ou d’un vieux filet de chalut. C’étaient là des trésors qu’il
entassait dans une vieille cabine.
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6 novembre 2011
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- Tu as vu : le gris, le SDF il voudrait rentrer.
- Fais une colocation
- bof, c'est moche
- C'est très à la mode au contraire
- Mais du temps du communisme russe, on disait que c'était moche
- Tu ne comprendras jamais rien : poour les riches, c'est in, pour les pauvres, c'est beurk.
- Et si c'est un riche avec un pauvre
- C'est impossible
Photographie Régine Rosenthal
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paroles de chats
6 novembre 2011
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Nul n’a jamais su ce qui s’y disait mais,
outre les plaques noires d’herbues brûlées le long du ballast et posées là comme des cartes de visite cornées, les trains fantômes laissaient dans l’air comme une odeur de soufre. On dit qu’après
leurs passages, qui énervent les enfants et la volaille, on trouvait quelque part sur la ligne un étranger souvent étrange sans bagage et sans mémoire, débarqué par le plus
grand des hasards au milieu d’une population amnésique.
C’est ainsi que les sorciers ont disparu de la lande, happés par les chemins de fer. C’est du moins ce que croient les ingénieurs de la SNCF et les anthropologue patentés plus habitués, il est
vrai, aux études concernant les peuples étrangers qu’à l’observations des phénomènes qui se passent chez nous..
Photographie Régine Rosenthal
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5 novembre 2011
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Il en venait de
partout : jeunes sorcières paysannes bien en chair, diaboliques à souhait, sorcières des villes, sans âge sinon sans fard, vieilles sorcières issues d’un fond de bois, « houhous » à nez et mentons crochus à servir de portemanteaux, sorciers tirés à
quatre épingles comme de jeunes cadres fraîchement sortis de leurs écoles ( les premières de toutes où ils avaient été initiés à des incantations magiques qu’ils appelaient examens), sorciers bon
enfants en rupture de club Med, sorcières à damner des seins échappés de Cannes entre deux projections, sorciers de l’ombre et du feu, magiciens du fer, tous venus embrasser le diable sous la
queue. Ils cheminaient à la queue leu leu par tous les soufflets du train avant d’entamer leur colloque sur le rôle à donner dans le monde moderne à toutes les sorcelleries du monde – celles
qu’on trouve dans les pages jaunes de l’annuaire ou qu’on découvre dans les récits d’aventures, celles qui se cachent dans les dossiers classés des commissariats, au fond des
forêts tropicales comme au fond des squats et des catacombes qui sont aux villes de que sont les forêts aux campagnes. Ils étaient tous là, entamant la concélébration d’un sabbat dans un esprit
très post-conciliaire. C’est pourquoi on entendait parfois au-dessus du halètement de la bête les lourds essaims des balais qui suivaient la locomotive comme taons le font de bœufs en sueur.
Sorciers et sorcières atterrissaient sur les toits des wagons d’où ils se rendaient à leurs places après avoir rangé leurs balais à la place spécialement aménagée pour eux.
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photographie de Régine Rosenthal
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4 novembre 2011
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Il n’est pire enfer qu’à la fin il n’empire. Ce train finit par être perçu par
les plus insensibles. On en a causé jusque dans les salons qui sont les lieux les plus fermés à l’imaginaire. C’étaient des salons généralement bien informés où se répercutent les informations.
On y disait que les sorciers et les sorcières se réunissaient en sabbats ambulants dans des trains fantômes, que les stewards avaient les pieds fourchus et les contrôleurs des casquettes qui
cachaient bien mal des cornes naissantes. Il est vrai que les stewards n’étanchaient aucune soif et que les contrôleurs ne contrôlaient personne. Tout au plus s’assuraient-ils
de la qualité de sorciers des voyageurs.
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à suivre
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les contes de mon chat
3 novembre 2011
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Nul ne l’a vu passer mais tous en ont senti l’odeur de roussi,
d’huile chauffée et d’escarbille mouillée. Les uns ont perçu un halètement puissant, d’autres parlent d’un crépitement d’étincelles. Nul n’a pu dire s’il s’agissait d’une locomotive à vapeur,
d’une motrice électrique ou d’un turbo-train. Ce qui est certain, c’est que ce train ignorait les signaux et que son passage ne troublait pas les « crocodiles ».
Les plus lucides (ou les moins imaginatifs) prétendent que ce train était conduit pas Satan en personne. On dit même qu’il se servait de sa fourche en guise de pelle et qu’il roulait à
tombeau ouvert vers quelque sabbat clandestin. On aurait entendu les imprécations des voyageurs rouler incandescentes sur les pierres des ballasts où elles faisaient rougir les scories. On avait
connu des châteaux hantés, des bateaux fantômes, mais jamais, au grands jamais, de trains de sabbat.
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