- Tu viens avec moi, on va voir l’étang de Diane
- Encore de l’eau, tu veux me noyer ou quoi ?
- Non, on va voir les huîtres
- Tu n’en vois pas assez à Arcachon ?
- Si mais j’aimerais savoir comme elle se portent, là-bas.
- Et comment vont-elles ?
- Elles crèvent aussi, du même virus.
- Le virus, c’est à cause de quoi ?
- Le déplacement des huîtres, des souches, des naissains
- Tu ne m’as pas dit qu’elles n’avaient pas de pied ?
- Çà ne les empêche pas de se déplacer et de transporter le virus.
- Et le virus on le soigne ?
- Tu sais entre la réactivité des virus, la dégénérescence des souches mères et la recherche de souches résistantes, c’est affaire de science.
- Mais l’ostréiculture, ce n’est pas une science
- Que crois-tu ? Ici on drague la passe pour ajuster l’étang aux besoins des huîtres.
- Les affaires maritimes, sans doute ?
- Non, l’étang est privé et l’ostréiculteur le loue
- Et il met ses huîtres au fond ?
- À 11 mètres ? Tu rêves ! Non, il les suspend à des tables
flottantes.
- Même les petites ?
- Les petites, il les emmaillote dans des sacs comme dans des moustiquaires.
- À cause des moustiques ?
- Non, pour qu’elles ne se perdent pas
- Et les autres ?
- Il les encorde.
- Comme des alpinistes ?
- Tout à fait. Même les sacs, ils les encordent.
- Et pour les ouvrir, il faut couper le cordon ?
- Non, on les dégoupille.
- Comme des grenades ?
- Tu me fais dire des bêtises. Non, ils les ouvre comme nous, mais par le
côté.
- À quoi çà ressemble une huître corse
- Tu n’as qu’à les goûter tu m’en donneras des nouvelles. Et puis, tu sais, elles poussent en un an et elles ont un bon goût.
- Le goût de la charcuterie corse ?
- Non, on ne nourrit pas les huîtres avec des châtaignes, voyons
- Et que leur donne-t-on à manger ?
- Tout le plancton de l’étang de Diane et, depuis César, çà suffit.
- Depuis César ?
- Oui, depuis que les Romains d’Aléria ont laissé une montagne de coquilles dans l’étang
- Et que faisaient-ils de la chair des huîtres ?
- Ils l’envoyaient à Rome pour faire du garum .
- Du garum ?
- Oui, ce que tu appelle du Nuoc-man avec la chair d’huîtres et les débris de poisson.
- Ils ne les laissaient pas aux chats ?
- C’est en Égypte que les chats étaient sacrés, pas à Rome
Photographes jean Takvorian et Annie Delobez.