
- Elle a bien essayé avec son photographe mais tout le monde le lui a reproché.
- pourquoi, les riche n'ont pas le droit de faire la charité?
- Tu as vu, il y a des Russes qui ont acheté des maisons à Arcachon pour les louer
- Ce sont de nouveaux riches ?
- Non, les riches de toujours
- Ils n’ont pas été boyards
- Je ne le pense pas, communistes tout au plus
- Mais un communiste ça partage
- Pas les cadres, ni les politiques. C’est eux la nouvelle internationale.
- Tu as vu, la pub : plus tu avances, plus c’est des chausse-trapes
- Des chausse-trapes ?
- Oui , : une t’étrangles, l’autre vide ton gousset de quelques sous dont tu avais bien besoin, l’autre t’orientes vers des magasins qui t’estampent
- Et c’est autorisé ?
- Bien sûr, c’est la base d’un capitalisme bien compris
- Compris ?
- Ce n’est pas toi qui doit comprendre, c’est eux, les annonceurs.
- Dis-donc, les médicaments qu’on fais venir de Chine, comment on établit les prix ?
- Tu prends les prix planchers à la vente en France.
-
Ils sont incompressibles ?
- Bien sûr mais tu baisses les prix à la production
- Et çà nous donne quoi ?
- Rien parce qu’en plus du prix du médicament il nous faut payer le chômage des ouvriers mis à la porte pour délocalisation, les maladies de déprime qui s’ensuivent et la part que les usines laissaient aux communes.
- Çà rapporte au moins ?
- Énormément
- Je suis contente que çà rapporte
- Dis-moi, Mouss', sur quelle chaine on parle de strass Kahn?
Pourquoi?
- Parce que je ne trouve nulle part.
- çà te gêne?
- Ben oui, je me demande ce qu'on va nous inventer maintenant.
Avez-vous vu un chat sur de
la braise ?
Lyautey en parle lorsqu’il s’en va en Indochine et qu’il rencontre sur le bateau « un haut colon d’Indochine, épave très honorable d’une famille de Bordeaux et qui traîne une masse gélatineuse couverte de diamants qui, à bord, s’appelle sa femme – un autre colon avec sa femme aussi, qui n’est pas sa femme et sa fille, qui n’est pas sa fille – une aventurière anglaise embarquée à Marseille avec son beau-frère, qui n’est pas son beau frère…- Un capitaine d’Infanterie de marine, M.M. qui va à Pondichéry avec sa femme, pour de bon celle-ci, et la malheureuse à travers toutes ces illégitimités, ne sait plus où parler, où regarder, où marcher ; elle est comme un chat sur de la braise.
- Une chatte sur un toit brûlant ?
- C’est un peu çà.
- Sur de charbons ardents ?
- Tu brûles.
- Un chat sur de la braise, çà ressemblerait alors à une chatte sérieuse ?
- Sans doute.
- Et que dois-je dire aux matous chats-loupants, vieux marlous, quand ils m’invitent à un tango argentin ?
- Tu ne leur parle pas, tu ne les regardes pas et tu fais attention à leur démarche
- À quoi pourrais-je les reconnaître ?
- Écoutes Baudelaire :
« Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques
Et des parcelles d’or ainsi qu’un sable fin
Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques »
- Un chat braisé, alors ?
Aux yeux de braise.
- Dis-moi, Mouss’, mon maître ne travaillait pas hier . Que se passait-il ?
- C’était jour férié.
- Un four férié, qu’est-ce que c’est ?
- Un jour où on ne travaille pas.
- On va au café ?
- Non c’est un jour trop sérieux.
- Et pourquoi il était férié ?
- Parce qu’on célébrait l’armistice.
- L’armistice, qu’est-ce que c’est ?
- On célébrait l’anniversaire de la fin de la guerre de 14.
- Il n’y en a qu’un armistice ?
- Il y a aussi le huit mai.
- Le huit mai ?
- Oui l’anniversaire de la fin de la guerre de 40
- Et l’anniversaire de la fin de la guerre de 70 ?
- Non, là, cette guerre elle était perdue. On n’en fête pas la fin.
- Pourquoi, on voulait la continuer ?
- Que tu es bête. Bien sûr que non ! Quoique…
- Et avant, quel armistice victorieux tu connais
- On n’en fête aucun d’avant le XXè siècle.
- Parce qu’on a perdu toutes les guerres avant ?
- Non, on a gagné la guerre de Cent ans.
- Quand c’est l’anniversaire de l’armistice ?
- Il n’y a pas eu d’armistice.
- Parce qu’on l’a perdue ?
- Tu penses bien qu’une guerre de Cents ans, on ne pouvait que la gagner. On a mis le temps, mais on l’a gagnée ?
- Les Bordelais ont dû être contents
- Pas trop !
- Alors qu’est-ce qu’ils font les historiens ? Ils ne peuvent pas en trouver la date.
- C’est trop loin mais on fête le 14 juillet.
- C’est un armistice aussi ?
- Non l’anniversaire de la prise de La Bastille.
- Çà a duré longtemps ?
- Une journée.
- Et on dépose une gerbe au monument aux morts de la journée du 14 juillet ?
- Non, c’est un symbole
- Ah, bon ! Combien il y en a des jours fériés ?
Je ne sais pas. Il vaut mieux ne pas compter. Tu es trop petit encore.
Photographies Régine Rosenthal et Jean Nogrady
- Viendrais-tu avec moi au pays du bétail divaguant ?
- Du bétail qui dit quoi ?
- Du bétail qui divague, qui erre, si tu veux et qu’on voit sur les routes.
- Quel bétail ?
- Des cochons par ci, des vaches par là.
- Que vois-tu aujourd’hui ?
- Des cochons.
- Je n’aime pas le lizier
- Mais non, ils sont en plein air, çà ne sent pas mauvais.
- Tant mieux parce que je n’aime pas les porcheries.C’est vrai qu’ils sont curieux tes cochons : il y en a des rayés
- Bâtards de sangliers sans doute
- Hep ! attention, ils filent sur la route
- La route est leur domaine
- Pourquoi vont-ils sur la route ?
- Pourquoi n’iraient-ils pas ? Tu y vas bien, toi.
- Et que peuvent-ils manger sur la route ?
- Sur la route, rien, mais au bord de la route, ils trouvent des châtaignes.
- Ils en laissent aux habitants ?
- Pourquoi veux-tu qu’ils leur en laissent puisqu’ils les leur rendent en jambons et saucissons.
- Et somme, le cochon, c’est une façon de ramasser les châtaignes ?
- Si tu veux !
- Et les vaches, elles ramassent des châtaignes aussi ?
- Elles, non : elles vont brouter l’herbe verte des bords de route.
- Et les cantonniers qu’est-ce qu’ils font ?
- Ils laissent pousser l’herbe pour les vaches.
- Et l’Europe considère-t-elle la comme terrain de pacage ?
- Non. C’est pour çà que l’une d’elles revient de la poste où elle a déposé sa missive pour Bruxelles.
- C’est la déléguée syndicale ?
- Non, c’est l’autonomiste.
- Que réclame-t-elle ?
- Le droit d’être chez elle sur les routes corses.
Photos Annie Delobez
- Et tout çà, çà fait d'excellents
français...
- Tu veux bien te taire.
-Pourquoi?
- Tu n'as pas vu la bronca qu'a déclanché le fait de parler de bons français. Et toi, tu en rajoutes : non content de parler de bons, tu parles d'excellents français.
- Mais c'est une chanson de Van Parys que chantait ma maîtresse l'année de la guerre.pendant que je ronronnais sur ses genoux.
- Et bien ! Sache qu'il ne faut plus jamais employer l'adjectif bon ni, à fortiori, excellent.
- Pourquoi Y plus bon?à cause de Banania ?
- Non, parce que, si tu dis bon, çà suppose qu'il y a des mauvais.
- On ne peut plus parler d'un bon élève?
- çà supposerait qu'il y en ait de mauvais, ce qui est impensable avec la qualité de l'enseignement.que nous dispensons.
- Et si je dis qu'il y a de bons maris?
- çà supposerait qu'il y en ait de mauvais , ce qui est quasiment impossible.
- Tu vois, tu fléchis : tu dis quasiment.
- ...
- Ah bon! je ne pourrai jamais dire bon
- Si
- Quand ?
- Quand tu parleras d'un bon contribuable
- Pourquoi?
- Parce qu'un bon contribuable, c'est celui qui paie bien ses impôts.
- En France ou ailleurs?
- On ne l'a pas encore élucidé.
- Toujours des question de fric... Et puis, je voudrais te poser une question.
- Vas-y
- Celui qui ne paie pas d'impôt, c'est un mauvais citoyen?
- Là, tu m'as eu : je ne sais pas.
- Tu vois, tu es sur le point de rétablir le système censitaire : n'étant pas un bon démocrate, tu n'es pas un bon citoyen.
Photo Régine Rosenthal
- Tu as vu la lettre que la voisine reçue de son agence de
location?
- Que reproches-tu à cette lettre?
- Elle lui promet de l'argent.
- De quoi se plaint-elle?
- Il y avait en bas : zéro € pour Aucun
- Et çà veut dire quoi, çà?
- Tu vois, tu ne comprends pas non plus.
- Et tu sais, toi, ce que çà veut dire?
- Oui: les comptes sont bloqués
- Comment le sais-tu?
- Par tous les efforts qu'elle afait.
- Lesquels?
- Elle a téléphoné pour demander le sens de ces mots sybillins
- Que lui a-t-on répondu?
- Rien, on n'a pas décroché le téléphone.
- Qu'a-t-elle fait alors
- Elle m'a demandé de faire un mail pour demander le sens de cette simili phrase
- Et que t'a-t-on répondu?
- On m'a demandé son adresse
- Pour lui répondre par courrier?
- Non pour gagner du temps.
- à ton avis pourquoi n'a-t-on pas répondu à ton mail?
- Pour des raisons de confidentialité
- Pourquoi ne lui a-t-on pas répondu par téléphone
- Les administrations ne répondent plus au téléphone.
- Pourquoi?
- Par discrétion
- L'adresse, çà sert à quoi?
- à retrouver et classer le dossier.
- Pourquoi tant tarder?
- Pour donner du temps au temps
- Et çà veut dire quoi, çà?
- Donner à l'argent le temps de faire des petits
- Et çà dure longtemps?
- Le temps que le client s'énerve
- Je comprends qu'on stresse aujourd'hui
- C'est çà le monde moderne.