Trop de civisme mène à l’incivisme : le donneur de leçons d’aujourd’hui est en germe le dénonciateur de demain.
Trop de civisme mène à l’incivisme : le donneur de leçons d’aujourd’hui est en germe le dénonciateur de demain.
- N'est-c e pas mieux, de l'autre côté de la barrière?
- Mzais non, Mije, quand on a dépassé les bornes, il n'y a plus de limites.
C’était une chatte
Isabelle
Belle
A damner les matous
Tous, tous
Tous les matous du monde
Qui venaient à la ronde
Se rouler à ses pieds
Yé yé
Mije est un cas
chat-l'eau. D'abor, elle aime l'eau chaude, tout le monde sait celà. Nous ne savons pas si elle aime le thé. Peut-être avec du rhum dedans. En bonne Arcachonnaise elle aime voir l'eau. C'est
normal . Mais quand on vide la baignoire, elle a ces airs énamourés qu'ont les touristes qui regardent baisser la mer, à la marée.
- Oui, Mije, je voiulais te faire griller du pain sur ma plaque
d'amiante
- C'est interdit
- J'ai voulu porendre ma casserole en aluminium
- C'est interdit
- Et remuer la crème avec une cuillère en bois
- Et c'est interdit
- Te faire boire un petit vin de pays dans ma gourde en oeau de bouc
- Ce doit être interdit
- Comment faisaient les soldats qui prenaient leur pinard dans des cars en alu, qui bouffaient le rata porté dans des botillons en alu...
- C'est rien à côté de l'acier qu'ils recevaient
- L'acier, ce n'est pas interdit?
- En bombres, obus, balles, non
- et on n'a pas de l'acier
- Si mon maître m'a dit qu'il avait ramassé l'acier de la victoire
- Qu'est-ce qu'on en a fait?
- On l'a mis sur les quais de gare
- Et qu'est-il devenu?
- Les Allemands l'ont pris mais, rassures-toi, ils nous l'ont rendu au centuple.
- Tu as vu, Mije, on sort des chiffres à toutes les occasions
- La preuve par neuf sans doute
- Des chiffres, c’est pas des preuves
- Pourquoi çà ?
- Pendant la guerre au lieu d’une tranche de pain et d’une belle pièce de viande on te donnais 150 gr de l’un et 75 de l’autre. Les chiffres, çà permet de ratiociner.
- Mais c’est plus la guerre
- Les statistiques, tu aimes çà ?
- Tu vis de moyennes, toi ?
- Et les sondages ?
- C’est pour éviter les élections ?
- Pas du tout, çà double les élections
- Çà sert à quoi, alors ?
- A se faire des idées.
- Tu as besoin de çà?
- Le nombre d’accidents, c’est important
- Ce n’est pas à moi qu’il faut le dire
- Et un drame c’est à partir de combien de morts
- Il me semble qu’un seul suffirait. Ce n’est pas la peine d’en rajouter
- Alors les chiffres, c’est insuffisant ?
- Je parlerai plutôt de la suffisance des chiffres.
- Tu as vu, la pub : plus tu avances, plus c’est des chausse-trapes
- Des chausse-trapes ?
- Oui , : une t’étrangles, l’autre vide ton gousset de quelques sous dont tu avais bien besoin, l’autre t’orientes vers des magasins qui t’estampent
- Et c’est autorisé ?
- Bien sûr, c’est la base d’un capitalisme bien compris
- Compris ?
- Ce n’est pas toi qui doit comprendre, c’est eux, les annonceurs.
Raidie dans sa robe de deuil, un foulard étroitement noué sous le menton, Pénélope regardait la mer.
Elle venait d’enterrer Ulysse qui reposait dans son domaine, la tête sous le grand olivier, le corps bien parallèle au chemin des porcs, à l’abri d’une muraille. Elle savait qu’elle ne l’attendrait plus, en ayant pleinement fait son deuil, comme nous dirions de nos jours.
Pendant la guerre de Troie, elle avait accepté de l’attendre, toute à la griserie d’être l’épouse d’un héros. Bien sûr qu’elle avait tremblé, la petite Pénélope, à l’idée de voir apparaître le messager de malheur, la voile noire sur les flots. On sait bien ce que c’est que la guerre des Balkans. Qu’avait-il besoin de courir derrière une dévergondée qui avait un jour choisi de suivre un homme de là-bas, de ces pays impossibles où l’on n’en finit pas de batailler. Mais enfin, ils y étaient tous et cela aide de savoir qu’on n’est pas seule dans le malheur. On avait des nouvelles de temps en temps et l’on s’aidait entre voisins. Le plus dur, c’est de n’avoir personne à qui raconter ses peurs, ses émotions, ces folles bouffées d’espérance qui la prenaient parfois. Rien qu’Eumée, le porcher, muet comme un pâtre et son petit Télémaque qui apprenait à parler dans la grande maison déserte. Elle se demandait, parfois, à le voir si refermé, si sérieux, s’il ne faudrait pas un jour le confier à un psychologue.
Le dernier grand lotissement à l’ancienne était annoncé en
1965. L’immense parc séparant Arcachon des Abatilles se bâtissait. La démolition du chalet Pereire, qui montrait toutes ses boiseries comme un vieux dentier en bon état , exorcisait d’un
coup les vieux démons de la brocante. Les anciennes écuries y ont gagné d’être considérées. Lotissement sans passé Pereire s’est pourvu d’une plage originale alliant le bois, le sable, l’herbe et
l’eau dans la longue perspective d’une baïne.
On rencontre tout autour du Bassin beaucoup de gens qui courent. D’ordinaire, quand on court, c’est derrière un bus ou un voleur. Ici, les gens ne courent derrière rien. C’est même pour cela qu’ils ont une tenue spéciale. Je me suis toujours demandé ce qui les faisait courir : un bouquet, un ruban, une médaille ou une de ces innombrables jeunes filles qui semblent ne vivre que pour embrasser les coureurs en bout de course ? Arcachon est toujours une ville de santé.
- Tu as vu, Mouss’, les procès s’ajoutent aux procès
- Une véritable empoignade
- Des empoignades du sexe tu veux dire
- Après la tentation une autre tentation
- On ne connaissait plus où était l’agressée
- Jusqu’à présent on lavait son linge sale en famille
- Maintenant tout le monde est au courant de ce qui se passe en laverie industrielle
- Tu ne crois pas qu’ils nous cassent les…la tête?
- C’est pour çà qu’il y avait des gouvernantes autrefois ?
- Tu crois qu’elles allaient en boîte ?