- Que fais-tu là, mon chat, tu te reposes?
- Bien sûr que je me repose, et ce n'est pas une mince affaire.
- Que fais-tu là, mon chat, tu te reposes?
- Bien sûr que je me repose, et ce n'est pas une mince affaire.
VII
Le murmure de l’Océan, une vague qui vous lèche les orteils, le rouleau qui s’aplatit devant vous, le coquillage qui roule sous la plante
des pieds, tout cela, c’est l’enfance. Elle en avait retrouvé la mémoire, qui est le retour intime du passé
La nuit tombait sur l’aquarium. Dans la lumière glauque des lampes de veille n’apparaissaient que les blouses blanches du personnel halophile qui distribuait des pilules blanches ou roses aux poissons et coquillages à demi endormis. C’était l’heure des confidences dites à voix étouffées, quand, dans l’aquarium, des souvenirs montent en bulles.
VIII
Les renvois d’élèves qui n’ont pas seize ans semblaient ignorées des instances rectorales qui faisaient volontiers la sourde oreille et n’auraient jamais mis les pieds dans cet enseignement sauvage qu’ils considéraient comme les latrines de l’éducation. Ils se gardaient bien d’en retirer les enfants perdus. De peur de se salir les mains, sans doute.
L’aquarium lui semblait tout à coup plus glauque, peuplé d’être difformes bardés d’appendices comme en ont les poissons des abysses. Il avait touché le fond dans le silence noir des grandes profondeurs où ne perçait qu’une lumière diffuse émise par des lucioles phosphorescentes.
IX
De parler de sa mère, qu’il n’avait pas connue, de sa grand mère qu’il avait vu vendre tout ce qu’elle possédait, petit à petit, avec une parcimonie dont je mesurais toute la peine contenue à l’évocation de ce qui le rattachait au passé qu’il aimait, l’avait ragaillardi.
L’orage se préparait. L’aquarium avait pris la teinte argenté du mercure. Les poissons s’y profilaient en longs traits d’encre comme sont les caricatures.
IV
Avec Adèle, c’est tout Paris qui défile. Pour ces provinciales, c’est du rêve à jet continu, la bonne petite douche tiède qu’elles attendent pour préparer les rêves de leur nuit.
L’érotisme demande du mouvement, l’ampleur de la houle, l’attaque émoustillante de la vague. Le bernique se contente de son rôle de voyeur. Exactement comme une pensionnaire de maison de retraite
V
Il était plus heureux avec son aquarium, ses coquilles vides, ses animaux immergés parce que là, il pouvait manœuvrer la fiction sans tromper son monde. Il adhérait aux fantaisies de son imaginaire
parce qu’il disposait tout à son aise d’un temps qu’il créait à sa convenance
Dans la lumière glauque des lampes de veille n’apparaissaient que les blouses blanches du personnel halophile distribuant des pilules blanches ou roses aux poissons et coquillages à demi endormis. C’était l’heure des confidences dites à voix étouffées, celle où, dans l’aquarium immobile, les souvenirs montent en bulles.
VI
Aucune maison de retraite n’est un phalanstère. Les chambres sont bien disposées autour du lézarium qui tient lieu d’agora comme en avaient aussi les moines qui les nomment cloîtres, mais on ne peut pas qualifier de coopératifs les services qui y sont rendus.
Cela avait suffi à provoquer le désordre chez les alevins de l’aquarium. Il s’en était moqué méchamment, lui dont la vie glissante de mourguin passait d’une tuile blanchie à une tuile rustique.
I
Une maison de retraite, c’est comme une forêt primaire : tous les personnages y sont mêlés dans le désordre : tordus, chenus, attendant la prochaine tempête
Les chambres des maisons de retraite sont comme des coquillages vides qui pavent le fond des mers en attente de bernard-l’ermite qui y trouvent les souvenirs accumulés par d’anciens occupants. Les histoires qui y sont murmurées sont toutes pareilles aux rumeurs de l’Océan.
Une maison de retraite, c’est un peu ce qu’on appelait le purgatoire autrefois ? »
- « Vous croyez que la ville, c’est le paradis ? »
Quand il est arrivé il y eut une effervescence comme lorsqu’on introduit un nouveau poisson dans un bocal de poissons rouges. Un instant très bref, et la population s’est rendormie
III
C’est à table que les pensionnaires se relâchaient le plus, pas dans la grande véranda où l’essentiel de leur activité se bornait à boire le soleil, les yeux mi-clos sur un sommeil qui ne tardait jamais à venir.
A peine le dernier fauteuil avait-il franchi la porte que la lumière était éteinte. Quelques lumières palpitaient encore dans les chambres avant de disparaître pour laisser les habitants de l’aquarium retrouver la profondeur de leurs nuits
Bedonnant mais encore alerte et le regard
vif, il me montrait le parc de la maison où je l’accompagnais
« Vous voyez, je ne m’ennuierai pas. J’ai avec moi la vieille forêt. Une maison de retraite, c’est comme une forêt primaire : tous les personnages y sont mélangés dans le désordre, tordus, chenus, attendant la prochaine tempête. » Se tournant vers moi, il me dit, mi-figue mi-raisin «vous pourrez en faire un roman ».
Il y a toujours au fond des mers des coquilles délaissées, abandonnées aux flots quand meurent les
coquillages qui les ont habitées. Les bernard-l’ermite s’en emparent pour en faire leur domaine. Les chambres des maisons de retraite sont comme ces coquillages qui pavent le fond des océans et
que les bernard-l’ermite, viennent habiter. Quand ils meurent ils y laissent quelques souvenirs qui s’accumulent d’un hôte à l’autre tout au fond en spirale du coquillage. Ces miettes de vie se
heurtent et s’entrechoquent. Elles sont susurrées, murmurées, remuées, vantées, éventées, écrêtées, abandonnées, reprises, amplifiées, rassemblées au creux de quelque tourbillon. Les souvenirs
murmurés par les vieillards en maisons de retraite sont tout pareils aux rumeurs de l’Océan. Les enfants sages le savent bien, qui collent leurs oreilles aux ouvertures des buccins pour entendre
tout au fond le bruit du ressac.