Il est venu, l’homme de guerre ; il a revêtu son armure, il a chaussé ses leggings, il a décroché sa lance, son arc et ses flèches, il a déterré sa kalachnikov, il a enfourché son char d’assaut, il s’est glissé dans son « mirage ». L’homme de guerre est de tous les pays et de tous les temps. Il a brandi le poignard d’airain. Il a pris le sentier de la guerre et les foules fuient devant lui. Elles n’ont pourtant rien à faire de cette guerre. Il y a là des femmes et des enfants. Surtout des femmes avec leurs enfants. Ils sont à pied, souvent pieds nus. Les machines de paix ne les portent plus, leurs chariots sont éventrés, les chevaux sont étripés, les automobiles aux pneus crevés n’ont plus d’essence. On a basculé dans les fossés ces voitures inutiles. Les foules continuent sans elles. Elles ne se cachent pas. Elles vont en longues bandes comme vont les fourmis et les chenilles processionnaires. Elles courbent le dos sous les coups et s’affolent à chaque passage en rafale d’avions qui mitraillent. C’est tout ce qu’elles peuvent faire, courber le dos ou se mettre à plat ventre dans les fossés. Elles fuient. Elles n’ont pas le temps de se nourrir. Avec quoi se nourriraient-elles ? Les campagnes sont dévastées et les cités sont en feu. Comment s’arrêteraient-elles ? La mitraille siffle autour d’eux. Il court vite l’homme de guerre, campé sur ses chevaux d’acier.