Ils sont deux : elle et lui, devant un plateau d’huîtres qu’un
écailler vient d’apporter ouvertes . La gourmandise
se déguste à deux.. Elle saisit la coquille où baigne l’huître dans les éclats irisés de la nacre. Elle en suit les contours de sa langue qui s’anime entre ses lèvres gourmandes, ouvre ses
narines aux palpitations du manteau qui frissonne. L’huître n’est à cet instant qu’une émanation de la mer.
.Pendant ce temps il vient se pencher sur elle, boire son regard et l’eau de l’huître. La chair grasse le tente. Va-t-elle se laisser faire ? La femme ou l’huître ? Pas besoin des jeux puérils de Casanova initiant Ermelina. : pas de bouche à bec comme les pigeonneaux, pas d’huître gobée sur un corsage qu’arrondirait la gourmandise. L’huître suffit, et le soleil, et la présence d’un compagnon.
Il n’y a rien de carnassier chez elle, rien que ce repli jouisseur de la lèvre sur l’éclat de la coquille qu’elle lève avec tendresse, comme on lève une coupe précieuse. Elle attache son regard à l’huître. Ne sont-elles pas complices dans ce sacrifice? Elle coupe le muscle ; l’huître, qui a résisté à l’écailler tant qu’il violait son intimité d’un couteau ravageur, s’abandonne à sa séductrice. Elle glisse de la coquille à la coupe nacrée des lèvres que le soleil touche de son pinceau aux nuances pareilles à l’arc en ciel ; elle passe la barrière des dents qui la frôlent, plonge sur la langue qui s’arrondit de tendresse sous l’huître. La femme ferme les yeux : elle aime les huîtres par tous les frissons de ses sens, par tous les pores de sa peau.