Les yeux mi-clos, la queues pendante,
Bien calé sur ses coussinets
Mon chat songe.
Depuis qu’il a lu les Chats de Baudelaire, il se croit poète et se tient en équilibre sur le ebord du lavabo dont il espère la venue d’un filet d’eau.
- Alors, çà t’inspire, le lavabo ?
- Tout beau poème est écrit près de l’eau.. Ce matins, quand tu te rasais, j’ai écris
un beau poème.
- C’est gentil de penser à moi.
- Ce n’est pas pour toi que j’écris, c’est pour ma maîtresse. Les plus beaux poèmes
sont toujours écrits pour une femme. Tu m’écoutes ?
- Vas-y toujours.
Prenant une pose avantageuse, la patte gauche en avant comme on le voit faire à la télé par les
présentateurs qui se préparent à entrer en scène, l’avant-patte pendante, les moustaches
frémissantes, mon chat a commencé, de la voix grave qu’il sait prendre quand il miaule
tendrement.
A ma maîtresse
De sous sa lourde chevelure
Sort un parfum si doux, qu’au soir,
Je la veillerais pour pouvoir
Passer la nuit sur sa vêture.
Elle est la déesse en ces lieux
Elle va, vient, coud ; et pour lire
Sur ses genoux elle m’attire
Et me caresse « à qui mieux mieux »
Quand mes yeux, vers elle que j’aime
Sont attirés comme un aimant
Je ronronne tout doucement
Et contemple un autre moi-même
Alors, avec étonnement
Je surprend ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.
Ne crois-tu pas, lui dis-je, ce plagiat trop voyant ?
Mais elle, minois crispé et les yeux flamboyants,
Secouant de fureur sa crinières superbe
Pour qui me prends-tu, dit-elle, un rien acerbe.