- Tu as vu comme c’était bien ?
- Quoi donc ?
- Carnaval !
- Tu y étais ?
- Ah, tu vois, tu ne m’as pas reconnu !
- Mais je ne suis pas allé voir ton Carnaval !
- C’est bien çà. Chaque fois qu’on fait quelque chose, nous les chats, vous nous snobez.
- Tu t’es déguisé ?
- Bien sûr. Ce n’est pas la peine de faire Carnaval si on ne se déguise pas .
- En quoi étais-tu déguisé ? En chat botté ?
- Tout le monde connaît l chat botté. Au moins tous les vieux chats parce que maintenant, avec leurs jeux électroniques, ils sont tous virtuels … Non j’étais en tigre du Bengale
- Mais c’est gros, un tigre du Bengale. Comment as-tu pu te gonfler autant ?
- J’étais un tigre du Bengale nain
- Si tu m’en dis tant ! Et tes copains, comment étaient-ils déguisés ?
- Il y avait un lion.
- Il avait une crinière ?
- Bien sûr, sa maîtresse lui en avait tricoté une en laine bouclées comme c’était la mode cet hiver.
- Il y a des gens mieux que moi
- Çà, je savais déjà
- Qu’est-ce qu’il y avait encore ?
-
Un chat mille pattes. C’était drôle, il s’était attaché des pattes partout et jusque sur la queue. Un autre qui se faisait tirer par des souris.
- Rien que des animaux ?
- Non il y avait le chat invisible
- Le chat invisible ?
- Oui, il avait mis une burqua toute blanche qui flottait derrière lui.
- Comme une mariée ?
- Il y avait aussi un couple de mariés, lui en haut de forme et elle avec une couronne de fleurs. Elle traînait toute une kyrielle de chatons dont certains avaient des couches culottes et d’autres des feuilles de vigne. Çà ne leur a pas coûté cher.
- Des feuilles de vigne ; en cette saison ?
- Oui, en plastique
- Et vous aviez des masques ?
- Tout le monde a des masques maintenant, tous les chirurgiens, tous les cyclistes… C’est pas drôle, çà fait pas Carnaval.
- Et sur les yeux ?
- On n’est pas à Venise ici ! Il y avait un vieux chat rescapé de le guerre qui avait un vrai masque, un vieux masque à gaz de la guerre de 39 qui le faisait ressembler à un cochon et qui suivait le Carnaval avec une jambe de bois en tapant sur un vieux tambour troué plein de croquettes qu’il jetait à la volée.
- Il n’y avait pas de chatons ?
- Si, mais ils étaient devant à faire toutes sortes d’excentricités.
- Je connaissais le Carnaval des animaux mais pas le Carnaval des chats. Qu’as-tu trouvé de mieux à ce Carnaval ?
-
Il n’y avait pas d’auto et puis, on a fait du feu.
- Pour brûler Carnaval ?
- D’abord, parce qu’on avait froid ! L’occasion faisant le larron, on a brûlé Carnaval. On aurait bien brûlé quelques participants aussi mais les responsables ont sifflé la fin du spectacle.
- Heureusement.
- Pourquoi heureusement ? Qu’est-ce que tu es pot au feu quand tu t’y met !
- Justement ! Va voir le Carnaval des toits quand Pierrot veut voir Colombine
- Pourquoi donc ?
-
Il n’a plus de feu et s’en contente fort bien.
Photos de régine Rosenthal et Anthine@
- Nous étions à Rat-à-Plat
- Rat-à-plat ?
- Oui les archives du 1 tiens, 2 tu l’or-rat
- Et tu as trouvé ton bonheur ?
- Oui j’ai retrouvé la date exacte et les raisons de l’arrivée de Gargantua sur le Bassin. Vois plutôt :
et décida de rester au pays
Après qu’il se fut éveillé, étiré et frotté les yeux dans le lit de Leyre, Gargantua ne vit rien, n’entendit rien, ne comprit rien tant était épaisse l’escalumade[2] et profond le silence de la lande où ne se plaisent que les bécuts qui sont les sorciers.
« Holà marauds » dit-il pour exercer ses poumons et savoir s’il était toujours en vie. Mais de marauds il n’en vint point, ni personne d’autre d’ailleurs, comme si le bécut les avait tous fait disparaître dans son antre. Écœuré de n’avoir point d’écho dans ce pays de sable où même le bruit des charrettes ne s’entend pas, après avoir champouillé[3] au droit de Malprat[4] comme font les gamins dans l’eau des flaques d’eau, il partit vers l’ouest où persistait un grondement qui lui parut de bon augure car il savait qu’en bord de mer il y a toujours plus de personnes qu’ailleurs et, pour ne pas se perdre en chemin, prit le sentier de l’estey qui prolongeait Leyre. Après qu’il eut marché dans les chenaux du Teich, de Gujan, du Passant, il s’est trouvé dans le Teychan[5]. L’eau qu’il n’avait qu’aux chevilles dans Leyre, lui montait sans qu’il s’en aperçusse aux jambes puis aux cuisses. Quand il eut de l’eau jusqu’à mi-ventre, tout étonné, il s’assit sur le Grand banc[6] pour son bain de siège matinal.
Les géants ont ceci de particulier que les bains de siège leur ouvrent l’appétit. Heureusement pour lui qu’il y avait à portée de sa main un palet[7] que des marins s’apprêtaient à visiter. Il se saisit des filets et mit tout dans sa bouche, poissons crus comme on le fait de sardines au pays, soles et bars et mulets et filets avec leurs gourdes et les pierres de lest. Tout y passa, même qu’un matelot faillit s’y laisser prendre. Quand il eut bien digéré et vu les ravages qu’il avait causé au travail des pauvres pêcheurs, il se saisit d’un pignot pour réparer le mal. Le pignot avait été apointé et il sentait quelque chose de lourd du côté de sa dent creuse. Voilà, pensa-t-il de quoi curer ma dent malade. Farfouillant dans le creux carié d’une molaire il en sortit incontinent le filet, un dormeur bien installé au chaud et qu’il prit pour un coléoptère tant était dure sa carapace et un congre qu’il eut beaucoup de mal à déloger. Après s’être rincé la bouche à force gargoullis d’eau salée il se leva sur le banc qui s’était découvert entre temps.
Sans qu’il prit davantage le temps de s’étonner de ce prodige qu’est la marée, il perçut dans la brume qui maintenant s’effilochait des barques à voiles et à rames, et des indigènes, des hommes et des femmes qui venaient prier la Vierge que Thomas l’Illyrien[8] avait recueillie au cours d’une tempête précédente.
Des tempêtes il y en avait eu beaucoup dans le pays, des tourmentes à vous dévisser des mâts de galéasses, des vents à faire monter le flot mais jamais au grand jamais de ces dégâts irréversibles sur le seul Grand banc. Quand les fidèles furent entrés dans la chapelle, il enjamba le Teychan pour voir à travers les ouvertures de ce bâtis de garluche[9] quel étrange sabbat pouvait s’y dérouler. Il eut la double surprise de voir que ce n’était point un sabbat et d’apercevoir ses serviteurs vautrés sous les tamaris de la plage qu’ils étaient bien les seuls à fréquenter en cette saison.
Après qu’il les eut repris en main et s’être séché à un bon feu de bois allumé aux galips[10], usage qui a donné son nom à la forêt usagère[11], Gargatua but son saoul d’un petit vin d’aramon et, jetant un coup d’œil circulaire sur la mer, la terre, le soleil qui perçait enfin l’escalumade, fit dételer les charrois que ses serviteurs, tout penauds d’avoir été surpris à ne rien faire, s’étaient empressés de préparer pour se faire pardonner.
Tant de mystères paradisiaques l’incitaient à rester en ce pays qui l’avait ensorcelé.
[1] Jeune tronc de pin coupés lors de l’éclaircissage de la forêt et ensuite épointé por être plante dans le Bassin etr servir de support aux palets, de barrière aux parcs, de repères aux croisements de chenaux…
[2] Brume de mer
[3] trépigné des pieds dans l’eau.
[4] Ile du delta de Leyre
[5] Chenal qui contourne le cap d’Arcachon
[6] Banc de sable attenant à l’île aux Oiseaux, face à Arcachon.
[7] long filet vertical tendu sur des piquets pour prendre le poisson qu’on vient dépendre à marée descendante.
[8] Moine franciscain fameux qui, en trois mois de 1616 a trouvé le moyen de recueillir une Vierge d’albâtre sur le banc du Bernet, de construire une chapelle pour l’abriter et d’y faire venir en procession tous les habitants du Bassin.
[9] Pierre ferrugineuse dérivée de l’alios et qui sert de pierre de construction dans la lande.
[10] Copeau résineux dérivé du gemmage du pin (quand il était gemmé au hapchot)
[11] forêt de La Teste,
confiée en 1648 par le captal de Buch à ses sujets.
Mon chat se promenant en
bonne compagnie
A trouvé près de l’eau, à demie endormie
Une huître qui baillait.
La belle, qu’un désir coquin titillait
A voulu prendre l’huître comme fit autrefois
Casanova qui vit en elle
Goûter de Roi
Ou de pucelle…
Il eut bien du courage le premier promeneur
Qui porta à ses lèvres une huître abandonnée
Et de la fantaisie celui qui l’a donnée
A goûter bouche à bouche
Puis répandre et lécher le sel de la douche
Répandue sur ses fines
Tétines…
A cette évocation la chatte ne tint plus
Elle battit des pattes et fit encore plus
En miaulant de plaisir
L’huître, qui l’entendit se ferma d’un ton sec
Adieu plaisir, adieu désirs
L’huître, en se fermant, leur a cloué le bec
MORALITE
L’été, la mer, l’aventure
Et, je pense, quelque diable aussi nous poussant
Nous font croire que la nature
Est là pour flatter nos penchants
Encore heureux que notre chatte
Dans l’huître entre-baillée n’ait pas placé sa patte.