14 juin 2013
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Le coma de la Belle au Bois dormant.
En fait de propre la Princesse ne disposait que de son jeune corps et de ses vieilles pierres.
La jeunesse de son corps était surprenante. Les internes furent appelés à se documenter sur la façon dont on conservait si longtemps un épiderme aussi souple. Les gérontologues furent appelés
à la rescousse, ainsi que les dermatologues, les cardiologues et les allergologues, les psychologues, les kinésithérapeutes, les nutritionnistes, et tout ce que la Faculté a produit de
savants. On consultait de vieux grimoires à la recherche des propriétés des simples. Personne ne comprenait comment une médecine vieille de cent ans - à peine sortie des mains d’un Diafoirus
- avait pu sans onguents, sans sérums, sans vaccins, prolonger de cent ans en plein air et sans hygiène particulière un coma d’origine inconnue. Plus d’un médecin moderne eut débranché le
réanimateur sans état d’âme. Ne s’agissait-il pas là d’un cas démontré d’acharnement thérapeutique?
Le cœur reprenait à un rythme raisonnable ; les poumons ne présentaient aucune lésion. Il y avait cette blessure au doigt d’une forme étrange, inconnue. La lecture attentive de Perrault
apprit qu’il s’agissait d’une piqûre de fuseau. Si ce type de blessure n’est plus aujourd’hui répertorié parmi les accidents soignés par la médecine du travail devenue plus performante en
traumatismes crâniens et ruptures de clavicules, c’est qu’il y a longtemps qu’on ne travaille plus au fuseau. Ce sont là les bienfaits des techniques de progrès : on perd des blessures et on
abrège les comas. Les médecins en eussent perdu leur latin s’ils n’en avaient depuis longtemps abandonné l’étude.
il y a 1 jour
Published by charles daney
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contre-contes