- Dis-moi, toi qui sait tout des histoires de chats
- Tu exagères
- Toi, qui as vécu à Paris
- Alors, çà vient ?
Comment dorment-ils les chats du Père Lachaise ?
Ont-ils la queue ramenée sous le menton et la tête légèrement inclinée sur les deux pattes avant jointes ?
Dorment-ils debout comme Clemenceau à Mouilleron-en-Pareds ou veillent-ils, immobiles sentinelles éternellement affectées à la garde de la virilité d’un Victor noir assassiné pour une de ces sombres histoires de presse qui valent bien des histoires de femmes ?
Courbent-ils un dos tout ébouriffé sur quatre pattes en chandelle pour désigner la tombe d’une égérie de quelque soldat en goguette comme fut, à Bruxelles, éploré puis mort, le brav’général Boulanger ?
Seraient-ils endormis comme les soldats en garde du Christ, une patte chutant, comme abandonnée, d’une antique pierre tombale pour bien marquer la superbe indifférence des chats à l’éternel imaginaire des hommes ?
Sont-ils indifférents, les chats du Père Lachaise ou sont-ils commis d’office à quelques gardes silencieuses comme on en montait autrefois dans la paix des pieuses abbayes ?
Et dorment-ils seulement ?
Photographie Jean Nogrady