« Les filles, dit Cap de Fer de cette voix monocorde que lui donnait l’émotion ; elles sont là. Le Jolly Roger n’est pas la
parure ordinaire des filles mais, à terre, il faut tout prévoir : il arrive aussi aux pirates d’avoir du linge à laver. Déjà Cap de Fer fonçait sur le fort tel Saint Georges partant
terrasser le dragon.
« Ce qui devait arriver arriva : comme il n’y avait personne, il parvint facilement jusqu’au seuil. Aucune tête borgne ne s’était faufilée derrière la palissade toute neuve. Les pirates, on le sentait, venaient de quitter les lieux – peut-être pour aller boire un coup. Comme il n’y a pas de bistrot du coin dans une île déserte, ils devaient avoir pris la mer juste avant qu’arrivât le brick. Des coïncidences comme çà, ça ne se trouve pas que dans les romans, autrement, les romans ne feraient pas vrais et ce qui compte dans la vie, petit, c’est de faire vraisemblable[1].
Céramique de Nicole Chatignol
[1] « Mais les pirates n’avaient qu’une inclinaison très modérée pour le travail. Ils avaient beau ne manquer de rien, ni pour leur nourriture, ni pour leur boisson, avec tout le vin et le cognac de leurs réserve, ils commençaient à soupirer après le vieux commerce…de sorte qu’au bout de quelques jours, il n’en restait plus beaucoup dans l’île » Daniel Defoe, Le grand rêve flibustier Bibliothèque Payot/Voyageurs.