- Tu as vu, Mouss’, c’est le
printemps des galipettes, des sauts de chats et des sauts périlleux.
- Méfie-toi : les chenilles processionnaires ont envahi la ville.
- Au secours, au secours !
- Comment, hier tu voulais aller sur la lune et aujourd’hui quelques chenilles te feraient peur ?
- C’est toi qui me dit de me méfier. Qu’est-ce que c’est que ces chenilles ?
- Des vers à pattes aux longs poils soyeux comme les tiens.
- Pourquoi en aurais-je peur alors ?
- Parce que ces poils, même détachés de la chenille provoquent brûlures, urticaire et allergies.
- C’est pour çà que j’étais « patraque » l’autre jour ?
- Peut-être.
- On ne peut pas les tuer, les ébouillanter, les brûler ?
- La vie de tous est sacrée.
- Tu m’embêtes avec tes leçons de morale. Je suis pour tout ce qui me plaît, contre tout ce qui me gêne.
- Tu es un peu comme les humains alors.
- Comment, comme les humains ?
- Ils ont fait des associations pour la défense de tout ce qu existe à l’exception des chenilles processionnaires et des humains en tant qu’espèces.
- Ils ne reconnaissent pas les espèces ?
- Ils n’aiment que les espèces sonnantes.
- Tais-toi, c’est sérieux.
- Je comprends : les chenilles processionnaires vont devenir des papillons mais en attendant…
- Elles sont comme les ados : poil à gratter, agressivité et opposition permanente.
- À quoi les reconnaît-on ?
- À leur couleur jaunasse, à leur aspect velu et à leurs groupements.
- Comme les ados ?
- Les ados vont en bandes, pas en lignes. Les chenilles, elles, cheminent en lignes, à la queue leu leu , chacune d’elle collant à la précédente.
- Et si on en écrase une ?
- Elles reforment la colonne avant de continuer leur chemin.
- Comme les ados : on en enlève un, il en vient vingt autres. Où vont les chenilles ?
- Elles prennent le premier trou venu pour s’enfoncer dans la terre.
- Elles chemineraient jusqu’en enfer ?
- Peut-être mais l’enfer est leur renouveau. C’est là que se forge la chrysalide.
- Le feu purificateur, je connais.
- Comment tu connais ?
- J’ai été cathare dans une autre vie. Et tu voudrais que j’aime un papillon d’enfer ?
- Je ne t’ai pas dit de l’aimer, je t’ai dit de t’en méfier.
-
Comme de tout ce qui est étranger ?
- Voici encore un jugement d’humain.
- Tu vois que j’avais raison de vouloir aller sur la lune
- Pourquoi ?
- Il ne doit pas y avoir de chenille processionnaire là haut.
- Crois-tu qu’il y aurait des chats ?
- Il doit bien y en avoir. À force de rêver à la lune ils ont bien y en avoir quelques uns dedans.
- Ne crois-tu pas qu’il y a assez d’hommes dans la lune ?
- C’est des politiques que tu veux parler ?
- Doucement !. Je crois qu’on n’y aime ni les clandestins, ni les passeurs de clandestins.
- Encore une idée lunaire. Photographies de Régine Rosenthal et Anthine@