Ce qu’on rencontre
d’abord dans ce marais de « fond du Bassin » qu’arpentent écluses et passerelles, c’est quelque vieux chêne mort debout, n’attendant plus que la tempête pour le coucher un jour parmi
les roseaux comme pour illustrer une fable de La Fontaine. C’est aussi la parade des oiseaux qui se mélangent et se provoquent en quelque défilé de mannequins. Ce « fond » est leur
domaine, leur refuge et le nid de leurs amours. Son silence n’est percé que par quelques bruits purs comme le vent, un oiseau qui s’éveille, un ragondin qui plonge.
Le Bassin fut longtemps le domaine du filet, qu’on l’étende en « palet » sur les piquets pour saisir le poisson aux ouïes et le garder suspendu au jusant comme linge au séchoir en attendant qu’on vienne l’y détacher ou qu’on le traîne dans le chenal pour ramener sur la plage des tas sautillants d’espèces mélangées. Il n’y a plus ni « palet » ni « trahine ». Il n’y a pas davantage de « fouëne » à la sonde en avant des pieds (« en avant, en avant, tu vas finir par t’estropier mon garçon !) La pêche s’est urbanisée. C’est la même qu’on trouve sur tous les quais du monde et toutes les jetées : un concours de patience. L’âge ni le sexe n’y font rien. On ne doit ni se parler, ni détacher ses yeux du bouchon. Pas commode de flirter dans ces conditions. Indispensable pourtant, paraît-il, pour apprécier une femme.
Boîte à l'oiseau Nicole Chatignol.