- Tu as vu, on a porté des morceaux de murs dans la cour de la mairie de Bordeaux.
- Des morceaux de mur ? La mairie, ce n’est pas une décharge publique que je sache ; on aurait mieux fait de les donner à Bartherotte, il s’en serait servi pour consolider sa digue
- Mais ce n’est pas de n’importe quel mur qu’il s’agit : ce sont des morceaux du mur de Berlin.
- Pourquoi n’ont-ils pas mis aussi des morceaux de murs qui barraient les accès de plage et les jetées en 40. Le mur de l’Atlantique, c’est plus ancien et c’était quelque chose !.
- Mais c’est moins important que le mur de Berlin.
- Pourquoi est-il plus important, le mur de Berlin ?
- Parce qu’on l’a démoli.
- Ce mur murant Berlin rend Berlin murmurant
- Non, c’est de Paris qu’on l’a dit parce que le mur qui entourait Paris en 1848 coûtait cher
- Celui de Berlin n’a rien coûté ?
- Si : vingt-huit ans de séparation d’amis et de familles. Un pays fermé, un passage interdit. Un régime cadenassé.
- Ce sont peut-être des bénévoles qui l’ont construit ?
- Tu en connais toi, des bénévoles qui construisent des murs pour le compte des politiques ?
- C’était pas un mur mitoyen ?
- Non un mur séparateur.
-
Il n’y a plus de murs séparateurs dans le monde ?
- Oh que si ! Il faudrait chercher dans le Moyen-Orient, au nord du Mexique, en Chine…
- En Chine ?
- Oui la grand muraille.
- Mais celle-là on l’a contournée depuis longtemps.
- Comme la ligne Maginot.
- Et on l’a conservée toute entière.
- Pourquoi n’a-t-on pas conservé le mur de Berlin tout entier pour le patrimoine ?
- On a gardé des morceaux.
- A-t-on étiqueté les morceaux pour le remonter, comme on a fait des pierres du clocher de Notre-Dame d’Arcachon ?
- Non les démolisseurs n’ont pas tout mis de côté ; le puzzle est incomplet.
- Jusqu’aux prochaines enchères ?
- Tu crois qu’on en a mis de côté pour les vendre plus tard ?
- « Murs, villes et port
Asiles de mort »
- Le mur, ce n’est pas un asile.
- « Il était un grand mur blanc –nu, nu, nu… »
- il n’a pas dû rester longtemps blanc
- pourquoi ?
- avec tous les taggueurs qui existent dans le monde.
- Ah, oui, l’art moderne du tag au tag.
- Tu crois qu’on n’aurait pas pu s’opposer aux maçons quand ils l’ont construit ? .
- Les maçons étaient armés
- Armés de quoi ?
- De truelles. Si tu crois que c’est facile de s’opposer à tous les murs qu’on construit dans le monde ?
- Si c’est pour les démolir après…Tu ne trouves pas qu’on perd trop de temps à regarder monter des murs un peu partout pour séparer les gens ?
- Il me semble que tu n’aimes pas trop les murs ?
- Si, quand on y laisse une chatière et qu’il n’est pas trop haut pour que j’y puisse prendre un bain de soleil.
- « Contre le mur une échelle – haut, haute, haute
Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec… »
« J’ai composé cet histoire, - simple, simple, simplePour mettre en
fureur les gens – graves, graves, graves
Et amuser les enfants – petits, petit, petits.
- Où as-tu trouvé çà ?
Dans le coffret de santal, de Charles Cros.