Les Rois, c’est connu, réussissent tout ce qu’ils
entreprennent. Quoiqu’ils fassent, ils ont des attitudes de rois, surtout quand ils brandissent la foënne[1] ou lancent l’épervier. C’est pour ça que les
peintres sur leurs toiles ne peignent que des Rois ou des Dieux et jamais de marins. Dès qu’il prenait la mer, ce Roi-ci était entouré des plus belles daurades, des plus belles loubines[2] et l’on voyait luire l’ombre des écailles des sirènes qui se pressaient sur son
passage. Les marins sont jaloux, c’est connu. C’est même pour entretenir cette jalousie qu’ils se racontent des histoires de pêches plus incroyables les unes que les autres. La chance du Roi
finit par en indisposer plus d’un, d’autant plus qu’il leur était étranger et qu’ils croyaient que c’était à cause de sa couronne que tous les poissons du pays désertaient leurs filets pour aller
dans le sien. L’Assemblée des marins de la Mole finit par le convoquer : « Nous t’avons accepté, étranger, et voilà qu’au lieu de nous en être reconnaissant, tu nous fais de l’ombre
avec ta couronne. Nous te laissons le choix : ou tu l’enlèves, ou tu t’en vas ».^