Les chasseurs furent convoqués un dimanche de novembre à Saint
Magne de Belin. Le notaire et les maître des « Arnauds » qui avaient l’habitude de ces courses avaient chaussé les bottes et revêtu l’habit rouge et la culotte blanche. Les autres
s’étaient dispensé de tout protocole. Il y avait là quelques femmes avec, en amazone, la jeune nièce du notaire de Belin – une personne fort courtisée et venue tout exprès de Bordeaux où elle
habitait. Le piqueur[1] comptait les arrivants. Des chevaux de louage se mêlaient aux autres, que leurs
propriétaires avaient amenés. Les chiens, qui faisaient partie de l’équipage de Me Talbon, dansaient sur place. C’étaient des habitués de ces grandes chasses à courre qui sillonnaient alors la
lande de Cestas à Sanguinet, et d’Hostens à Captieux.
On partit de bonne heure, fanfare au vent, dans l’aboiement des chiens de la meute. Le renard, pris aux environs de La Brède, partit tout aussitôt comme une flèche. Mais au lieu d’aller droit devant lui, il courait comme une lièvre en faisant d’impressionnants crochets et rebondissait aux limites de la lande comme font les boules de billard quand elles touchent à la bande. Et la meute suivait. Et les piqueurs sonnaient. Et la meute aboyait. Et les chasseurs galopaient. On les avait vus à Villandraut, au Moutchic, aux environs de Lesparre, à Sainte Hélène puis à nouveau au Barp, à saint Symphorien, à Caudos, Captieux…La bête, qui ne quittait jamais la Gironde, avait choisi de repasser par saint Magne autant de fois qu’il le faudrait.