- - Allons, Caramel, dépêche-toi.. Tu vas être en retard à
l’école !
- Je suis prêt, j’arrive !
- - C’est çà que tu appelles être prêt ?
- J’ai tous mes couteaux sur moi.
- Ne te fais pas prendre avec ton armurerie de griffes..
- T’inquiètes pas, elles sont bien cachées dans mes chaussures.
- Et ton cartable ?
- Je n’en ai pas besoin, on fait grève.
- Tu fais grève pourquoi ?
-
Parce qu’un copain s’est fait tuer à l’arme blanche.
- Par qui?
- Par un copain.
-
Et que fais-tu, toi ?
- Je n’ai tué personne. Pas encore. Je montre ma force pour n’avoir pas à m’en servir.
- Mais tu te bats aussi.
-
Il faut bien, tout le monde se bat
- Et quand est-ce que vous travaillez ?
- Montrer sa force, c’est travailler, non ? De toute façon, la bagarre, c’est notre façon à nous, les jeunes, de nous intégrer.
- Vous intégrer à l’école ?
- Non, à la bande.
- Allons, prend ton cartable et mets-y tes livres et tes cahiers.
- Tu n’as pas encore remarqué que je ne porte jamais de livre à l’école ?
- Pourquoi ?
- C’est trop lourd
- Mais ton cartable pèse un âne mort, même que nous avons fait, nous autres parents, une réclamation au Ministre pour qu’il allège les programmes.
- Çà n’empêche pas que mon cartable pèsera toujours aussi lourd.
- Et qu’est-ce qu’il y a dans ton cartable s’il n’y a pas de livres,
- Des balles de tennis, un revolver, des patins à roulette, mon P3, mon i.pod, mon ordinateur
- Enfin un outil scolaire. !
- Çà, c’est pour les jeux. Mon téléphone portable.
- Tu ne m’appelles jamais.
- Je sais bien mais j’envoie beaucoup de Sms en classe.
- À qui ?
- À mes copains pendant les interrogations.
- Alors si tu fais grève, çà ne change rien ?
- Si, on va pouvoir crier, courir et le cartable, çà gêne quand on est poursuivi.
- Pourquoi faites-vous grève ?
- On demande des surveillants.
- Drôle d’idée. De mon temps on aurait demandé qu’on les supprime.
- On ne peut pas faire autrement que les profs. Nous sommes tous solidaires, nous, les profs et les surveillants.
- Jusqu’à ce que vous les insultiez, les frappiez ou les lardiez de coups de couteaux
- C’est la faute au manque de surveillants
- Souviens-toi des grenouilles qui demandaient un roi.
- Je sais : on veut nous envoyer des médiateurs.
- Des médiateurs ? qu’est-ce que c’est que çà ?
- Des gros bras qui ne sont pas des policiers (les profs n’en voudraient pas) ni des surveillants (le Ministre n’en veut pas)
- Des chiens sans doute, qui flaireraient la drogue en même temps ?
- Non, ce sont des policiers.
-
Et que mettrait-on alors ?
- Des chats bien sûr.
- Pourquoi des chats ?
- Parce qu’il n’y a pas de chat policier et que, dans leur belle indifférence – La Fontaine l’a dit – ce sont les meilleurs médiateurs du monde.
"En croquant l’un et l’autre".