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Les voyages en Corse, ça ressemble à
quoi ?
- À tous les voyages. D’abord il y a de grands bateaux tout
plats. Ils ne fendent pas l’eau, ils repassent les plis de la mer comme de vulgaires fers à repasser.
- Épargne-moi les voyages sur l’eau. Rien que d’y penser, j’en ai le
mal de mer.
- Flaubert aussi l’a eu, en allant en Corse.
- Parle-moi de la route
- Il y a des tournants, beaucoup de tournants.
- Ils sont signalés ?
- Rarement, mais on finit par compenser, un coup à droite, un coup à gauche.
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Et si on loupe un virage ?
- Ça dépend, on va sur la roche ou on tombe dans le ravin.
- Il y a des ponts sur les ravins
- Beaucoup : des étroits, des génois, des viaducs…
- On m ‘a dit qu’il y a des ponts magnifiques
- Mais il n’y a pas toujours d’eau
- C’est des ponts pourquoi alors ?
- Pour le cas d’inondations : l’eau passe dessous.
- C’est pas drôle. Parle-moi des villes.
- Je suis allé à Bonifacio
- Et tu as vu quoi ?
- Des escaliers de pierre qui montent d’un trait jusqu’en haut, tout droit.
- J’aime bien grimper, moi
- Oui mais les escaliers de Corse, s’ils ont bien des marches comme les autres n’en ont pas deux de la même hauteur.
- Et si on veut aller au second ?
- On redescend
- Et si on a de la peine à monter ?
- On le fait une fois et l’on reste en haut.
- Tu veux me dire qu’on ne livre ni fourneau, ni machine à laver, ni cercueil ?
- Si par les fenêtres. Sauf pour les cercueils parce que les vieux, on les hélitreuille pour les conduire à l’hôpital.
- Que me racontes-tu là ? C’est horrible. J’ai vu hélitreuiller un chat, j’ai eu des cauchemars pendant quinze jours. Et les vieux, qu’est-ce qu’ils font quand ils sont là-haut ?
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Ils regardent la mer.
- Ils en ont de la chance
- Pourquoi dis-tu çà ?
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Parce que les Arcachonnais veulent tous voir la mer, mais ils n’ont pas de cimetière marin.
Photographis Jacques Stiefbold et Paul Yvan Béna