- Il parle, ton chat ? m’a demandé une internaute
- Bien sûr que non mais nous partageons depuis si longtemps et avec une telle intensité une même vie que nous nous comprenons à demi-miaou.
C’est ainsi que pas plus tard que ce matin il est arrivé tellement défait que je n’ai pu que l’interroger.
- Que t’est-il arrivé ? tu es bien pâle ce matin.
- - J’ai
failli me faire écraser.
- Par une voiture ?
- Non. J’ai l’habitude des voitures quoiqu’elles soient de plus en plus grosses, de plus en plus rapides et de plus en plus inconscientes depuis quelques jours. Non, c’était sur la piste cyclable.
- Tu as failli te faire renverser par un vélo ?
- Non bien qu’il y en ait de plus en plus et de plus en plus rapides ?
- Par un roller, par un chien ? : il y a de tout sur une piste cyclable. Allons, parle !
- Par un piéton.
- Par un piéton ?
- Oui de ces gens qui courent sur les pistes cyclables. Tu ne cours pas, toi ?
- ça m’est arrivé de courir derrière un bus ou derrière un voleur.
- Comme moi devant un chien. Toi derrière et moi devant. Eux, ils courent devant rien, derrière rien, ils courent pour rien.
- Je les connais. Tu aurais dû faire attention. Ils portent des vêtements spéciaux pour courir comme les automobilistes doivent en mettre quand ils crèvent
-
Mais il ne courait pas quand je me suis arrêté.
- Il ne courait pas ?
- Non il faisait sa gymnastique. C’est même pour ça que je me suis arrêté pour le regarder.
- Que faisait-il
- Des flexions sur les jambes et de curieux petits mouvements comme s’il avait des haltères à la main.
- Comme si tu n’en faisais pas, des étirements, les pattes en avant, le poitrail à ras de terre, les pattes arrières à l’allonger comme un jour sans pain.
- Oui mais moi je ne le fais que quand j’en ai besoin.
- Mais lui aussi en avait peut-être besoin.
- Je ne crois pas, autrement il ne se serait pas arrêté là où il y avait le plus de monde pour faire ses flexions, ses re-flexions, ses génuflexions…
- Ses réflexions ? On n’a pas besoin de réfléchir pour ça
- J’ai dit flexion et re-flexion
- Ses pompes, quoi ?
- Pourquoi tu appelles ça des pompes ?
- Ils pompent l’air
- Tu me pompes l’air. Tu sais : ceux qui font de la gymnastique adorent se faire admirer.
-
Mais tout cela ne m’explique pas comment il a failli te renverser.
- Parce qu’il ‘est relevé très vite et qu’il est parti comme une bombe alors que je ne m’y attendais pas.
- Alors il t’a bousculé.
- Oui il s’est mis dans mes pattes et il est tombé.
- Tu t’es excusé au moins ?
- Après la frousse qu’il m’a faite. Je parie qu’il a fait exprès de tomber sur moi rien que pour se faire plaindre.
- Et toi, qu’as-tu fait ?
- Je suis parti ventre à terre pour venir me réfugier dans tes bras.
- Tu vois qu’il t’arrive de courir devant rien.
- C’est égal, venir de Paris pour ça, alors qu’ils ont la plage et la forêt où il n’y a personne à l’heure où ils courent, faut le faire.
Et mon chat partit en chantant « L’air et pur, la route est large ». Il était consolé.