Ma Roxanette chérie
Sans nouvelles de toi, je continue à noter les comportements de mon pays. Tu y trouveras de quoi étancher ta soif de démocratie. Nous nous posons beaucoup de questions sans en résoudre aucune.
Comment peut-on être français ? Comment parler d’un livre que l’on n’a pas lu, d’une émissions que l’on n’a pas vue, d’un vin que l’on n’a pas bu…. L’exemple du vin est des plus curieux.
Ceux qui en parlent le mieux sont ceux qui le recrachent. Ceux qui le boivent doivent se plier aux impératifs des lois qui remplacent l’influence de nos imams que nous appelons prêtres (il n’y a
plus de curés) sur la morale et sur les mœurs. Le conseil de ne pas dépasser le verre de vin par repas – à consommer avec modération – me semble venir en droite ligne du Coran, ce qui prouve
l’influence d’Allah sur les pays étrangers.
Nous sommes un pays moderne où nos
prêtres n’ont plus la place qu’ils occupaient autrefois et qui correspondait à celle qu’occupent vos imams chez vous. Ils n’appellent pas publiquement à la prière et leur obédience ne s’étend
réellement qu’à un petit cercle de relations choisies et limitées. Ces cercles prennent de plus en plus d’importance et vont jusqu’à critiquer leurs prêtres qu’ils finiront bien par remplacer un
jour - ce qui se fait déjà souvent pour les enterrements. Ils se réunissent en plusieurs groupes qui se reconnaissent à la façon de dire leur prière. « Que votre nom soit sanctifié » a
rang d’hérésie pour ceux qui tutoient Dieu et le « pain de chaque jour » a remplacé le « pain quotidien ». C’est assez pour que chacune des parties y trouve les germes d’une
querelle qui confine à la haine. La plupart des fidèles, ceux qui croient qu’il y a plusieurs chaises au domaine de Dieu, se tiennent à l’écart, sachant qu’il y a des accommodements avec le ciel,
ce que nous ne trouvez pas chez vos imams que vous considérez trop durs dans leurs commandements et leurs contrôles policiers.
Tu remarqueras que si nous
nous posons beaucoup de questions, il y a des domaines où nous ne nous en posons aucune. Ce sont généralement des domaines où nous pourrions intervenir.
Toi qui modèle l’avenir d’un pays où la démocratie reste en projet, prends donc modèle sur nous qui savons faire coexister banquiers repus aux parachutes dorés et SdF déprimés et qui payons très chers des tour-opérateurs pour aller voir dans les pays du Tiers Monde comment vivent chez eux les pauvres de là-bas. C’est ainsi que se conforte dans le monde notre réputation de démocrates cultivés.
J’espère recevoir bientôt de bonnes nouvelles de chez toi et revoir le bonheur dans les fleurs, les parfums, les douceurs de Perse et tes mignardises qui sont encore aujourd’hui ces souvenirs merveilleux mais déjà lointains que je garde de toi.