Mon chat les avait vus venir. ils avaient interrogé tout le village mais on parle peu à la campagne, même ceux que le vin rend loquaces. Quand ils entrèrent au château
ils trouvèrent deux femmes aphones : l'une pour avoir trop crié en demandant à sa soeur si elle ne voyait rien venir, l'autre pour avoir hurlé dans le vent qu'elle ne voyait que le soleil qui
poudroyait et le l'herbe qui verdoyait. Ils remirent l'interrogatoire au lendemain. Les voyageurs étant fatigués, l'interrogatoire fut remis au lendemain.
C'étaient deux exempts du Roi, gens de la ville qui se couchèrent tôt et s'éveillèrent tard et de fort mauvaise humeur tant ils avaient été tenus éveillés par la meute de Barbe Bleue qui hurlait
à la mort et la chouette qui hululait pour les accompagner.
Le corps de Barbe Bleue était toujours au bas de l'escalier. On ne comptait pas moins de quatorze blessures, toutes par lames. Il était mort sur place comme le prouvait le sang que la pierre
avait bue. Les traces de pas relevées sur place prouvaiernt que les assassin étaient au moins deux.
Il fallait savoir qui avait fui.
"Mes frères dit Anne qui ne faisait aucune difficulté pour dire que sa soeur les avait appelés et qu'ils avaient dû repartir dans la nuit rejoindre leurs régiments respectifs.
- N'est-ce pas de la préméditaiton?
- Ils venaient vite pour arriver à temps et pour arriver à temps, ils faut souvent courir, même quand on n'a rien prémédité.
Ce qu'elle ne disait pas, c'est qu'elle avait employé toute sa ruse de femme pour empêcher Barbe-Bleue de la saisir avant leur arrivée. Il était clair que les exempts ne l'exemptait pas de
crime.
La jeune femme frisonna à la reconstitution quand la lame du couteau a frôlé sa gorge. Les exempts tenaient le mobile. Il restait à départager les responsabilités d'auant plus qu'ils ne
comprenaient pas pourquoi les frères arrivaient si vite et surtout pourquoi Barbe-Bleue menaçait sa femme quelques jours seulement après son mariage. D'habitude on attend plus longtemps.
Après avoir bien déjeuné ils entreprirent de fouiller le ch$ateau. Ils arrivèrent vite devant la chambre aux cadavres dont ils demandèrent la clé.
D'abord ils n'ont rien vu, à cause de la fenêtre que la jeune femme avait refermée, puis ils regrttèrent d'avoir trop bien mangé tant leur estomac se serrait.
"Ces...ces femmes?
- Les femmes de Barbe-Bleue
- Et c'est vous qui les avez tuées!
- C'est à cause de la clé, dit la veuve.
-Quelle clé?
- Celle du cabinet. C'est alors seulement qu'elle éclatait en sanglots, de gros sanglots de honte et de regret de tant de curiosité malsaine.
-Oui, c'est vrai, elle avait voulu savoir. Tout le crime était là. Elle n'aurait pas assez de sa vie entière pour s'en remettre.
Le juge regardait sa main qui aviat tenu la clé, toute dégoulinante de sang et le sang, sur la clé, faisait comme une grosse tache de ketchup mais en indébile.
Ils étaient devant le crime immense d'un serial killer - ou d'une jeune marié trop pressé d'en finir avec le mariage. La jeune veuve fut disculpée. L'homme était mort,
pas l'héritage. Pour une fois, le crime allait profiter à ceux qui avaient voulu sa mort. Les longs appels de la nuit eurent leur récompense au-delà de ce qu'elles espéraient. Elles vécurent
longtemps en riches héritières d'un château de province : l'une en veuve dévote, l'autre en jeune épouse épercument amoureuse d'un hobereau des environs
Le crime parfait n'existe pas mais il arrive que le crime profite à ses meurtriers.Les deux frères reçurent chacun un brevet de capitaine. Nous étions à une époque où la morale s'affinait. On n'excusait plus le meutrtre d'une femme, fût-ce par son mari. Le pouvoir marital avait perdu de son importance. Y tenir devenait ringard. Nous entrions dans une époque moderne.
C'est à cause des Barbe-Bleu de provinces ( mais on en trouve aussi à Paris)que les démoliseurs trouvent de temps en temps entre les pierres des cadavres bien conservés qu'ils s'empressent de
détruire pour éviter l'intervention des services archéologiques.
Photographies de Régine Rosenthal et d'Anthine.