Mon chat, qui suivait Gargantua en toutes ses pérégrinations, le vit un jour sortir de l'onde pour s'étendre tout nu sur la plage. Peut-être pensait-il y trouver Vierge comme l'ermite Thomas en
trouva naguère. De Vierge, il n'y en eut point mais une pomme de pin ouverte dont il pensa se servir comme d'un peigne.Croyant trouver en un pignon chu sur son entrejambe quelque noir morpion
égaré, il entreprit de peigner les blonds poils de son pubis. La douce pression thérébentinée lui fit éprouver une turgescence dont il se sentit aise sans voir qu'il était devenu l'objet de
contemplation d'une population aussi clairsemée que curieuse.
Quelques femmes reculèrent en bloc pour se mettre à l'abri des appétits d'un géant qui avait en pareil cas croqué des pèlerins en salade.
Les femmes que "byrait (tourmentait) mau de pipe" z'ieutaient ce lourd baton dur comme bois de cornouiller qui leur parut gigantesque. Elles n'étaient pas assez naïves pour ne pas savoir de quoi
il s'agissait. Elles en connaissaient ayant joué avec ceux des enfants qu'elles appelaient ma petite dille, ma pine, ma branche de coural, mon bondon, mon bouchon, mon villebrequin, mon
poussouef, ma terière, ma pendiloche, mon rude esbat roide et bas, mon dressouoir, ma petite andouille vermeille, ma petite couille bredouille, ma quiquette, ma quéca, ma quéquette, mon boudic
(lonbric ou ver de terre) mon quicou, mon pissou, mon petit zizi, mon nono, auquel elles donnaient souvent des noms d'oiseaux (allez savoir pourquoi!!) mon petit rossignol, ma fauvette, mon
pinson, ma
mésange, ou d'instruments de musique : mon flutiau, mon pipeau ; elles en avaient vu au ventre des hommes : lourdois, braquemart, verge, quille, sceptre, bâton noueux, baguette de braguette,
cuillère à pot, lance, trique, gourdin, cierge, candela, biroute, pipe, pine, lusert (lézard), timon, la brela (la pousse) lo brelon (le branle) lo limac... Quelques-unes parlaient de pénis, vit
ou viet, bitte, nature ou naturelote - autant de noms que de fantasmes, prouvant par là toute l'étendue de leurs connaissances infuses. Tout en arrondissant leurs lèvres sur un souffle de
stupéfaction, elles n'exhalèrent qu'un mot : biédase - ce viet d'ane qu'en bonnes campagnardes elles avaient souvent contemplé. Elles ne quittaient guère du regard ce muge énorme tressaillant au
ventre d'un géant, sentant confusément qu'elles ne feraient point crubelets avec lui, ni bête à deux dos, qu'elles ne tramperaient pas la soupette et n'iraient pas à la caline. Elles demeuraient
sidérées, moins par crainte que par stupéfaction.
- Et chez les chats, comment dit-on?
- Je ne te le dirai pas.
- Et pourquoi?
- Vous en parlez toujours comme d'une chose extraordinaire. Vous pensez bien qu'avec toutes nos vies nous en avons vu des vertes et des pas mûres.
- Ne raconte pas d'histoires. Nous vous entendons. Vous affichez vos amours sur tous les toîts.
- Vous dites n'importe quoi : il y a des deux pattes qui parlent de toîts brûlants, d'autre de mi-août... Ma parole ! vous confondez vos chattes sur la plage et les nôtres sur
les toîts. Vous le faites exprès ou quoi?
- Et pourquoi ne veux-tu rien dire?
- Par pudeur. Mes vies ont leurs secrets, mon âme a son mystère.
Les photographies sont d'Antoine et Cécile Durand (1), Anthine (2) et Régine Rosenthal (3 et
4)