Le blog de charles daney

- Regardes,  Mouss', j'ai trouvé un galet

- Ce n'est pas un galet, çà, c'est une huîre.

- Une huître? Elle n'a aucune profondeur

- C'est une huître française

- Pourquoi française?

- C'est comme çà qu'on apelait autrefois les huîtres plates par occposition aux portugaises, japonaises, gigas...

L'huître naquit un jour d'un caillou dans la mer. Il y était tombé un jour que les enfants des dieux faisaient des ricochets..

-         Dis-moi Mije, il y a longtemps que je n’ai pas vu ton billet

-         Le maître monopolise l’ordinateur

-         Pourquoi diable ?

-         Il dit qu’il finit un livre sur la Garonne et qu’il va s’occuper des péchés capitaux

-         Mais nous, les chats, nous n’avons pas de péchés capitaux.

-         On nous dit voleurs

-         Un peu chapardeurs, tout au plus, ce que les deux pattes appellent de la grivèlerie

-         On nous dit fourbes, hypocrites

-         Parce qu’on va se coucher tout seul après avoir fait des mamours et obtenu des caresses ?

-         Tu n’en connais pas, toi des z’humains qui te font des mamours pendant des années et te font convoquer pour un rien au commissariat ?

-         J’ai vu çà même que le policier en est resté bouche bée. Çà alors, qu’il disait, çà alors.

-         Et c’est tout ?

-         Un peu trop collants

-         Par amour

-         Un peu trop indépendants

-         C’est un défaut, çà ?

-         Le maître dit que je suis trop confiant

-         Çà il a raison c’est un gros défaut, un défaut capital. On ne sais jamais à quoi çà peut nous entraîner.

- Mije n'est pas revenue?

- Si, elle est allée se coucher ; elle était exténuée.

- Quelle idée aussi de suivre les gendarmes?

- Il n'y avait pas qu'elle. Il y avait tout le village et les villages d'à côté

- Et ils n'ont rien trouvé?

- Non mais il paraît qu'ils vont mettre l'hélico.

- Elle t'a dit pourquoi elle y est allée

- Il paraît qu'il y avit un tout petit, le petit Poucet qu'on l'appelle. Alors, forcément...

- Ce n'est pas une raison. Tu lui diras de venir me voir et d'informer nos bloggeurs.

Photo Régine Rosenthal (Mije surprise au sommeil)

-         Dis-moi Minje, tu n’est pas née d’ovules congelés par hasard ?

-         J’ai quitté ma mère il y a trois jours.

-         Pourquoi ?

-         Elle me repoussait.Elle ne voulait pas d'un Tanguy.

-         Que penses-tu des bébés nés d’ovaires congelés

-         On m’a dit aussi que des mères congelaient leurs bébés.

-         Ce n’est pas pareil.

-         Comment ce n’est pas pareil ?

-         Dans un cas on régénère les ovules et dans l’autre on ne régénère pas les bébés.

-         Que fait-on des mères qui laissent leurs bébés au congélateur

-         Elles passent devant la justice

-         Elles disent quoi ?

-         Qu’elles n’ont pas eu de bébé, qu’elles ont cru mettre un rôti et que c’est la sorcière qui a jeté un sort.

-         Que fait-on au chirurgien qui ne régénère pas les ovules congelés

-         On ne le sait pas.

-         Et si on le savait ?

-         Un ovule, c’est pas un bébé.

-         Mais c’est un début de bébé.Et puis ils disent qu’ils en ont besoin pour leurs expériences.

-         Ce sont des apprentis sorciers ?

-         Oh tu sais, le monde de nos maîtres est plein d’irrationnels

-         C’est ce que j’ai cru voir le jour d’Halloween

-         Et s’il n’y avait que ce jour ? Mais il y en a partout, des sorcières, des sorciers, des jeteurs de sort, des vaudous, des marabouts, des Dr Hyde, des savants dépassés par leurs inventions.

-         Pourquoi font-ils çà ?

-         Parce qu’ils n’ont jamais su, comme nous, se contenter de ce qu’ils ont

-         Et la sagesse, qu’est-ce que c’est?

Çà c’est très compliqué et tu es trop petit encore pour que je te l’explique.

Photos Hélène Durand et Régine Rosenthal

-         Tu viens avec moi, on va voir l’étang de Diane

-         Encore de l’eau, tu veux me noyer ou quoi ?

-         Non, on va voir les huîtres

-         Tu n’en vois pas assez à Arcachon ?

-         Si mais j’aimerais savoir comme elle se portent, là-bas.

-         Et comment vont-elles ?

-         Elles crèvent aussi, du même virus.

-         Le virus, c’est à cause de quoi ?

-         Le déplacement des huîtres, des souches, des naissains

-         Tu ne m’as pas dit qu’elles n’avaient pas de pied ?

-         Çà ne les empêche pas de se déplacer et de transporter le virus.

-         Et le virus on le soigne ?

-         Tu sais entre la réactivité des virus, la dégénérescence des souches mères et la recherche de souches résistantes, c’est affaire de science.

-         Mais l’ostréiculture, ce n’est pas une science

-         Que crois-tu ? Ici on drague la passe pour ajuster l’étang aux besoins des huîtres.

-         Les affaires maritimes, sans doute ?

-         Non, l’étang est privé et l’ostréiculteur le loue

-         Et il met ses huîtres au fond ?

-         À 11 mètres ? Tu rêves ! Non, il les suspend à des tables flottantes.

-         Même les petites ?

-         Les petites, il les emmaillote dans des sacs comme dans des moustiquaires.

-         À cause des moustiques ?

-         Non, pour qu’elles ne se perdent pas

-         Et les autres ?

-         Il les encorde.

-         Comme des alpinistes ?

-         Tout à fait. Même les sacs, ils les encordent.

-         Et pour les ouvrir, il faut couper le cordon ?

-         Non, on les dégoupille.

-         Comme des grenades ?

-         Tu me fais dire des bêtises. Non, ils les ouvre comme nous, mais par le côté.

-         À quoi çà ressemble une huître corse

-         Tu n’as qu’à les goûter tu m’en donneras des nouvelles. Et puis, tu sais, elles poussent en un an et elles ont un bon goût.

-         Le goût de la charcuterie corse ?

-         Non, on ne nourrit pas les huîtres avec des châtaignes, voyons

-         Et que leur donne-t-on à manger ?

-         Tout le plancton de l’étang de Diane et, depuis César, çà suffit.

-         Depuis César ?

-         Oui, depuis que les Romains d’Aléria ont laissé une montagne de coquilles dans l’étang

-         Et que faisaient-ils de la chair des huîtres ?

-         Ils l’envoyaient à Rome pour faire du garum .

-         Du garum ?

-         Oui, ce que tu appelle du Nuoc-man avec la chair d’huîtres et les débris de poisson.

-         Ils ne les laissaient pas aux chats ?

-         C’est en Égypte que les chats étaient sacrés, pas à Rome

Photographes jean Takvorian et Annie Delobez.