Arcachon est une ville bâtie sur un cap dunaire qui n’a
pas changé d’un iota depuis au moins la création de la ville en 1857. Le Cap Ferret est une langue de sable fluctuante qu’à chaque arrivée estivale les Ferret-Capiens vont mesurer au centimètre
près pour connaître ses nouvelles limites. Que le nez s’allonge et c’est la fête ; que la pointe raccourcisse et c’est la consternation. Les Ferret-Capiens sont les challengers de leur
presqu’île.
Quand on achète une maison à Arcachon, c’est une villa, au Cap Ferret, c’est une cabane, même si la cabane coûte plus cher que la villa, elle-même d’un bon prix. Les Arcachonnais invitent toutes les gloires anciennes : écrivains, artistes, hommes politique et quelques souverains à habiter leur villa. À les en croire, ils sont tous venus chez eux. Au Cap Ferret il y a assez de têtes médiatiques pour qu’on n’ait pas besoin de tête couronnée.
L’été, les touristes arcachonnais ont l’allure tranquille des familles en goguette. Ne serait-ce leur nombre, ils passeraient inaperçus. Au Cap Ferret, ils ont les pieds nus comme des sauvages, même si leurs shorts et leurs chemisettes sont de bonne marque, voire de bonne coupe. Ils ont le comportement insolent et tranquille de ceux qui peuvent tout se permettre. Ailleurs, ce serait de la provocation ; ici, c’est une institution.
Dans Arcachon, où sont des pistes cyclables, on voudrait bien remplacer les voitures par des vélos. Au Cap Ferret il faut avoir le vélo et la voiture, au moins un 4X4. Le vélo seul vous ferait passer pour un miséreux, un diplodocus que l’on accepte uniquement comme unique témoin d’un passé révolu. La 4X4 seul vous signalerait comme parvenu, incapable de vous adapter aux lois subtiles du sable Ferret-Capien où l’on est l’ami de tout le monde, même des ostréiculteurs du village des pêcheurs. Une amitié d’été, qui se dilate à la chaleur solaire, n’engage à rien ; un bon hiver remettra de l’ordre dans tout cela.
L’indépendance, l’indolence de chacun font malgré tout du Cap Ferret un état cohérent. Dans le Roi du Cap Ferret(éditions Vents salés), Éric de Saint Angel a campé une sorte d’Ubu régnant sur une tribu ubuesque. Personne n’a songé à dire que Néron avait incendié Rome pour en détruire les lupanars, Saint Angel, familier des écobuages, montre son Roi incendiant la presqu’île pour reconstruire le Ferret à sa guise. Une idée à creuser.
Céramique de Nicole Chatignol.