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7 juillet 2011 4 07 /07 /juillet /2011 15:46

Dans le monde où nous sommes il se trouve peu d’innocents. je veux dire de ceux qui ne sont pas seulement demeurés. Des innocents pure laine. Tout blancs à la face des autres, de ceux qui savent faire enfler une rumeur d’innocence jusqu’à ce qu’elle vienne baver son écume comme fait la vague sur le sable.

Il y avait à Troulichon-sur-mer un homme adorable, poète à ses heures et qu’on eut trouvé bourré de talents s’il n’eût été discret et n’eût voulu, en toute innocence, prouver son innocence aux yeux de tous. Tâche impossible. Il crut pouvoir faire appel à le justice . Elle se moquait bien des innocents! Ne pouvant être innocent de plein droit il entreprit de devenir présumé innocent. Pour cela il faut au moins être soupçonné d’un délit. Il en avoua deux, de ceux qui laissent froids les politiques et ne font même pas rosir les petites filles qui disent des mots crus avec cet air d’innocence qu’on ne prête qu’aux anges.

Mis en examen, notre homme crut accéder au nirvâna. Il connut la liberté surveillée et la mise sous verrou avec tout l’appareil qui accompagne la justice - de la détention  à la fouille au corps en passant par la promiscuité des cellules et le cantinage - toutes inventions dignes des bois de justice dont on entretenait nos craintes à l’école. Les journaux en ont parlé. Ils signalèrent sa prétendue innocence en termes peu flatteurs. C’est comme s’il avait payé trois insertions consécutives : le jour de l’arrestation, le jour du procès et le jour de l’appel. Il entreprit de faire reconnaître son innocence de prétendu innocent. Ce fut dur, très dur. Ce fut long, très long. Et aussi peu efficace qu’un traitement psychiatrique. Quand enfin la justice qui tarde toujours à punir comme à relaxer l’a reconnu innocent, il se sentit rejeté  dans le magma des gens qui ne sont rien. On ne parle jamais des reconnaissances d’innocences. Elles sont trop nombreuses.

Vous me direz que, pour se faire connaître du grand public, le seul qu’il désirât atteindre, il aurait pu faire la grève de la faim, une tentative de suicide, tâter l’évasion ou se laisser massacrer par son voisin de cellule. Il n’en eut pas le courage, sa griserie de gloire n’ayant pas résisté à la cellule de dégrisement. Il arrive toujours un moment où nos rêves buttent sur l’action. Il comprit, mais un peu tard, que la seule façon de faire parler de soi est d’être reconnu victime d’une erreur judiciaire (mais la justice, qui en a tant commis autrefois, s’en méfie aujourd’hui). On finit toujours par oublier la culpabilité crapuleuse d’autant plus qu’il est interdit de parler de l’affaire jugée. De la présomption d’innocence aussi. C’est pourquoi elle vous colle à la peau pour toute une vie. La rumeur reste.

Notre homme ne put jamais se faire oublier. Il finit par mourir. Une main complaisante écrivit sur sa tombe.

Celui qui gît ici voulait que l’innocence

Par la cour de justice enfin fut déclarée.

Du ciel invoquez la clémence

Pour cette pauvre âme égarée

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commentaires

M
<br /> AMEN !! Bonne soirée Charles et les chats, MIAOU!!!!!!!!!!!!!!!<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Vouloir être innocent à tout prix envers et contre tous, c'est de l'orgueil.<br /> <br /> <br /> <br />