- Tu as vu, dit mon chat, on sait
exactement quelle sera la température du 25 août 2045 et le nombre de malades de la grippe porcine cet été.
- Comment cela ?
- Grâce à des logiciels
- Si c’est sur Internet, alors… Je n’ai plus rien à dire contre les extrapolations.
- Qu’est-ce que c’est une extrapolation ?
- Je vais t’en donner un exemple : Henri Rochefort écrit en tête de son livre de cavale après son évasion de Nouméa qu’il y avait aux États-Unis 38 115 641 habitants en 1870. Il se demande alors quand ce pays pourra atteindre les 100 millions d’habitants. Après deux pages de savants calculs sur les accroissements décennaux, les effets de la guerre de Sécession, l’arrivée des immigrants, la natalité et les décès, les crimes passionnels et les usages malencontreux d’armes à feu, il estime que ce sera après l’année 1900 et avant l’année 1910
- Il n’est pas plus précis ?
- Si, une recherche rigoureuse lui fait préciser le 24 juillet 1903 à 5 heures, 24 minutes du soir.
- C’était un grand mathématicien.
- Non un brillant polémiste.
- Et tu crois que les logiciels sont dus à des polémistes ?
- Ils aident.
-
De toute façon il y aura beaucoup de morts par la grippe porcine, çà, c’est sûr.
- Ça dépend si on prend des précautions, si les Ministres mettent un masque aux Conseils de Ministres, si les bigotes s’aspergent les mains de liqueur alcoolisé après le baiser de paix (si, si, ça s’est vu), si on met de l’alcool dans les bénitiers…
- On ne peut pas parler avec toi. Tu ne prends rien au sérieux et tu changes la donne chaque fois… Que penses-tu du réchauffement de la planète ?
- Comme les savants qui n’ont pas changé d’un iota leurs comportements personnels
- Pourquoi ?
- Parce qu’ils attendent que les autres commencent, ce qui prouve que ce n’est pas si pressé. On a fait beaucoup d’études sur les climats des temps passés à partir des observations de Madame de Sévigné et de Saint-Simon, de la date du premier chant du coucou, de l’apparition de la première primevère, de l’ouverture du ban des vendanges, des relevés des marins sur leurs carnets de bord…
- Et çà se trouve où, çà ?
- Dans des revues sérieuses comme Recherche et Géographie.
- N’oublies pas que j’ai fait un stage auprès d’une voyante extra-lucide.
- Et moi des études sur des données relevées en temps réel.
- Tu en conclues quoi, homme sans foi ?
-
Qu’il y a eu des réchauffements, des refroidissements, que la calotte glaciaire s’est rétrécie, qu’elle s’est rallongée. Qu’on a trouvé des icebergs à la dérive dès
1750. D’ailleurs le bilan thermique de la terre est toujours 0 comme tout bilan qui se respecte et cela année après année. J’ai même une formule pour le calculer.
- C’était autrefois, avant le réchauffement actuel.
- Je ne suis pas Mathusalem tout de même et de toutes façon, ce sont les assureurs qui vont être contents.
- Pourquoi les assureurs ?
- Parce qu’ils voudraient assurer les vacances. J’en ai vu venir à la Sorbonne demander un conseil au Professeur de thermodynamique de l’atmosphère qui opérait en plein cours.
- Qu’est-ce qu’il leur a donné comme conseil ?
- Il les a mis à la porte !
- Tu le vois bien que les scientifiques ne font aucun effort pour aider les acteurs de l’économie.
- Si, regarde le trou d’ozone, on n’en parle plus.
- Pourquoi ?
-
Va savoir, on l’a peut-être rempli avec les pics d’ozone.
Photographies de Jean Nogrady