- Alors, Mije, comment çà va ce matin ?
- Mal
- Comment mal ?
- Je n’ai pas pu m’approcher de l’ordinateur de toute la journée d’hier.
- J’avais à terminer la Garonne agenaise, que m’a demandé mon éditeur et je voulais peaufiner le personnage d’Adèle qui est le personnage de mon roman.
- Je m’en fout d’Adèle. Qu’as-tu à t’intéresser à Adèle quand je suis là, moi ? C’est comme lorsque je saute après l’ombre pour ouvrir la porte. Alors que je suis là, en chair et en poils, en muscles et en fantaisies, en ronrons et lècheries.
- Oui mais tu es toujours là tandis qu’Adèle fuit quand je ne pense plus à elle.
- Justement. Attaches-toi à la réalité.
- Quelle réalité ?
- Mes cachettes dans les sacs en plastique quand tu me cherches sous le fauteuil, ma présence dan le panier de la friteuse quand ma maîtresse m’a pendu à l’espagnolette de la fenêtre.
- C’est vrai on aurait dit un bébé d’autrefois quand les mères les accrochaient tout langés à un clou de la chambre- salle à manger-cuisine pour qu’ils ne crient pas.
- Moi j’aurais miaulé bien fort
- Ils pouvaient pas, les couches compressaient leurs poumons. Mais toi, tu n’as pas
crié quand tu étais pendu dans le panier de la friteuse.
Pourquoi ? Je voyais tout d’en haut comme depuis la loge d’un théâtre. Si tu avais vu la tête que tu faisais… T n’es pas mal dans ton rôle d’acteur, tu sais. Il faudra bien un jour que je parle des bêtises des humains. Il y en a gros à dire.
Photos Régine Rosenthal