Les marins ont attendu huit jours que les vents se
lèvent. Le Roi attendit huit jours que la princesse finît son ouvrage. Le vent en retenait son souffle. Quand la princesse eut noué le dernier point de dentelle, il se fit comme une respiration
qui courut d’un bout à l’autre de la Mole. La belle flottille en frémit et les hommes embarquèrent aussitôt pour profiter du jusant. Mais ils ne voulaient pas des « estrangeys ». Ils
n’avaient pas plus tôt dépassé l’abri du chenal que s’est levée la plus forte tourmente jamais vue sur le Bassin. Un seul marin voulut passer quand même : on ne le revit jamais. Il ne fut
pleuré que pas sa femme, un peu parce qu’elle était gentille, assez pour le respect dû aux morts, pas trop toutefois pour qu’elle ne trouve bientôt quelque consolation dans les bras d’un jeune
garçon du pays.
Photographie de Régine Rosenthal