Il courait alors
d’étranges histoires de loups-garous dont on n’avait retrouvé un soir d’hiver que la prisse au coin d’un buisson. C’est ainsi qu’avaient disparu le grand Jean, Pierre, qui était si bon savetier,
la grosse Jeanne qui, la première, entonnait toujours les chansons à boire aux veillées et la triste Agnès dont on se serait douté, rien qu’à la voir, qu’elle était ensorcelée. Les plus craintifs
les disaient mangés par les loupes, les plus informés – ou les plus critiques – pensaient qu’ils avaient rejoint les loups sous les grands arbres.
Margoton vivait donc avec les loups depuis qu’elle avait été chassée de sa masure sous la menace de fourches. Mes jeunes loups grandissaient à ses côtés. Certes, ils sortaient tous les jours pour chasser le lapin qu’on n’élevait pas encore en clapiers ou la poule échappée d’un poulailler mal clos mais quand ils tétaient Margoton, ils prenaient avec elle des précautions de loups pour ne pas la blesser de leurs jeunes dents pointues. Autant dire que Margoton était intégrée au clan des vieux loups de La Sauve.
Photograhie de Régine Rosenthal