Gargantua fit transporter son siège au lieu où se tenait l’orchestre et fit venir ses deux gentes voisines qu’il installa chacune sur une de ses cuisses, ce pourquoi on avait dû lever les donzelles à bout de bras de quelques gaillards montés sur des échelles doubles afin qu’elles pussent s’installer à leur aise sur les genoux du géant. Après qu’il eut obtenu le silence à coups de gueule qu’il avait tonitruante le géant commença ainsi son discours.
Gentils hommes et gentes dames, et vous, foules populacières, chers amis, merci.
Un pays où l’on mange frais et boit sec n’est pas un méchant pays. Les étourneaux étaient bien un peu petits mais en amuse gueule, çà passe. Bien des hommes sont morts en festin par poison, poignard ou dénonciations à commencer par la Cène où s’ourdit la fin de Jésus. Je vous sais gré de ne m’avoir point servi d’ouystre boudeuse, ni de vin aigre, ni d’alcool frelaté.
Votre pays est un pays de cocagne, de ceux où se pratiquent aisément tous les péchés capitaux : la gourmandise où m’entraîna chaque jour plus de moult centaines d’huîtres de taille raisonnable, la paresse qui me prit au lit de Leyre, la volupté proche de la luxure que me firent sentir vos pignes rondes dont je me peignis le pubis voluptueusement, l’orgueil que j’eus de repousser tout seul à coup de pignes une armada anglaise. Je voudrais parler aussi de l’envie que j’eus de détruire le donjon que vous appelez Pilat, échec qui a déclenché en moi une avalanche cholérique dont je ne fus soulagé que par le rappel des gros mots qu’on trouve en hilh de pute macarel le tant merveilleux dictionnaire occitan des Nouvelles éditions Loubatières. Je dois cependant faire amende honorable à cause qu’ayant entendu de mauvaises langues parler d’invitations de gascons je les crus sur paroles. Vous m’avez prouvé le contraire et je prendrais bien encore un coup de marc pour délier ma langue afin de pouvoir terminer mon discours.
Ayant bu son saoul d’un alcool râpeux en diable, Gargantua poursuivit ainsi. :
J’ai tant fort aimé ce pays de la Teste où l’on Teste et testonne journellement tant de braves filles et tout le Bassin où on les Hume et - Mestras ou Mestras pas -, on les aime en culottes de costes qui nous font fantasmer et tout autant sans, où elles apparaissent mieux encore surtout quand elles ont dans les yeux ce regard à incendier la forêt usagère qu’un de vos troubadours y vit certains jours.
Ayant su ce que votre ermite a fait l’an dernier pour ces braves testerines à la Vierge fidèle, je me propose d’amener prochainement ici frère Jean des Entommeures afin qu’il y bâtisse un couvent frère de l’abbaye de Thélème que j’ai pensé appeler Nostre Dame des passes afin d’y vénérer la vierge enceinte, ce qui nous changerait de tous les bigots, cagots, fayots, goths et ostrogoths, bedeaux, badauds, parpaillos et huguenots, costeyeurs vicieux et voyeurs honteux des nudités tartinées sur sable.
Je vous propose de boire encore un coup à cause du vent qui est salé, de l’eau de mer qui l’est tout autant et de la gorge qui m’assoiffe souvent.
Crions et buvons ensemble : Vive la Teste de Buch et Vive le Bassin d’Arcachon.
Ce faisant et dans l’enthousiasme du discours, levant haut le hanap que ses serviteurs lui remplirent incontinent, oubliant les deux gentes filles qu’il avait sur les genoux, il se dressa d’un coup et les fit tomber en telles postures que tout un chacun put voir qu’il n’y avait pas que dans leurs yeux qu’il y avait de la braise.
Et le bal put commencer, entraîné par la bouhe au souffle des musiciens que le discours de Gargantua et la chute des demoiselles avait ragaillardis.