- D’où viens-tu, je ne t’ai pas vu de l’après-midi.
- - Je passais
mon casting.
- Quel casting ?
- Pour le nouveau film sur les campings avec Franck Dubosc. On ne
parle que de ça depuis quelques jours.
- Mais tu t’es vu ? Tu es tout ce qu’il y a de plus ordinaire,
un chat pré-rayé comme un vulgaire saumon d’élevage.
- L’habit ne fait pas le moine.
-
Que veux-tu dire par là
- Qu’il y a l’intelligence, l’allure, la distinction, les manières, les codes
- Les codes ?
-
Oui, savoir comment on doit tendre une patte, s’étirer, pousser sa tête, caresser ses oreilles, friser ses moustaches… Il y a une manière distinguée de se rouler sur un tapis.
- Et tu crois savoir ?
- Oui puisque j’ai été retenu pour le film.
- Mais pourquoi diable veux-tu faire un film près de chez toi ?
- Pour être reconnu dans la rue, pour qu’on me demande des orthographes
- L’orthographe tu n’en as pas besoin mais il faudra signer des autographes
- Alors, il faut que tu m’achètes un Mont Blanc
- Du chocolat, pour quoi faire ?
- Pas du chocolat, un stylo, pour signé les ortho…les autographes..
- Ça s’est bien passé ?
- La directrice du casting m’a demandé si je serais libre pour aller présenter le film à Cannes
- Tu as donc le rôle principal ?
- Pas tout à fait principal, mais essentiel.
- Que fais-tu ?
- Je me gratte derrière l’oreille pour annoncer la pluie. Je suis le chat-météo.
- Tu le fais souvent ?
- Une fois, mais tout le film tourne autour de cette séquence.
- Pourquoi penses-tu que c’est la séquence essentielle ?
- Parce qu’il ne se passe rien dans un camping quand il fait beau.
C’est la pluie qui crée l’événement.
- Et ça marche, de se gratter l’oreille ?
- Bien sûr parce qu’ils ont des effets spéciaux : ils me versent de l’eau sur la tête avec un arrosoir - Je comprends qu’ils aient besoin de te payer cher : verser de l’eau sur la tête d’un chat, j’aimerais voir ça.
- Qui t’as parlé de payer cher ? Je fais ça pour la gloire.
- Dis plutôt la gloriole.
- Gloire ou gloriole, c’est pareil.
- Et tu acceptes ?
- Un plan américain, ça ne se refuse pas. Je suis très reconnaissable, tu sais.
- Cabot, va
- Je ne suis pas cabot, je suis réaliste.
- Ah oui ?
- Tu verras quand j’aurai reçu l’oscar du meilleur acteur comme tu seras fier de moi.
- Moi, fier ?
- C’est toujours comme ça, c’est moi qui bosses et c’est toi qui en tire tout le profit.
- C’est normal, tu n’es pas majeur. C’est comme les bébés de six mois qu’on a recruté. On a même demandé des bébés naturistes. Tu n’es pas naturiste au moins ?
- Non. Les naturistes, c’est pour le décor
- Tu n’es pas le décor ?
- Tu n’as pas compris encore, que mon rôle est capital pour l’action.
- Comment le sais-tu ?
-
J’ai lu le scénario. Je ne suis pas de ceux qui s’embarquent à la légère, MOI. Laisse-moi dormir.