6 mai 2009
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- Ce sont surtout les livres que j'aime
- En rat de bibliothèque
- Mon chat eut un haut le coeur.
- Un rat, tu sais ce qu'ils font de tes livres les rats?
- Ils les dévorent.
- Non ils les grignotent. Ce n'est pas pareil : un livre que tu dévores, tu l'as au coeur. Un livre que tu grignotes, tu l'as au bout des dents. C'est un livre foutu. Je suis un chat de bibliothèque. J'aime les livres qui sentent bon le cuir chaud, le papier, l'encre et la poussière.
- C'est pour ça qu'il y a tant de chats dans la bibliothèque
- Ce sont de jeunes chats et ils ne savent ce qu'ils font.
Ils n'aiment pas les livres, ils aiment les bibliothèques comme on aimait autrefois les armoires à linge. On y est haut.

- Ce n'est pas une raison pour courir dans une bibliothèque.
- Il y avait autrefois dans la Mancha un chevalier qui passait son temps à lire des livres dans la tour ronde d'un vieux château. Il appelait ça sa librarie.
- Tu me parles de Montaigne, là?
- Non, je veux parler du chevalier de la Manche, un vieil érudit passionné de tous les romans de chevalerie. Il y avait Roland, les quatre fils Aymon, la belle Aude et toutes les jouvencelles qui se pressaient aux cours d'amour. C'est là qu'il a rencontré Dulciné mais comme il n'avait rien à offrir aux troubadours il se plongeait dans les vieux livres de son père.
- Il apprenait.
- Il apprenait à devenir un vrai chevalier, à souffrir d'amour, à téter aux beaux seins jumeaux l'amour et la beauté.
- Il n'y a pas de seins dans les livres. Tu ne vois pas les moines faire des enluminures de seins.
- Non mais il y avait le sens :" Que siés bello!...Venès, pople, venès téta/A si beù sen besoun l'amour e la Beùta"
( Que tu es belle! Venez! peuples, venez téter . A ces beaux seins jumeaux l'amour et la beauté)
- Qui a dis ça?
- Théodore Aubanel dans La Vénus d'Arles

- Et qui étais ce chevalier?
- Don Quichotte, mon maître d'alors. Il souffrait d'amour et sa belle ne voulait de lui que s'il se montrait un parfait chevalier. Alors il apprenait la chevalerie.
- C'est un galant homme
- Un parfait compagnon. Il me laissait lire les livres. Il ne se fâchait jamais quand je me couchais sur les livres qu'il lisait. Et puis, un jour, assoiffé d'amour et d'action, il s'est levé plus vite que son ombre et s'est mis à chanter :
"C'est le chant d'un cow-boy solitaire"
- Là, je crois que tu te trompes d'époque. C'est Lucky Lucke qui chante ça.
- Mon chat n'a jamais voulu me croire.

Photgraphies d'Hélène Durand et d'Anthine