"Viré, ils m'ont viré" Jamais je n'avais vu mon chat comme cela : moustaches en bataille, poils hérissés sur la tête, juste entre les deux yeux.
"Calme-toi lui dis-je qui, "ils"?
- Les gens de premier rang".
On appelle comme ça, chez nous, les gens qui ont une maison donnant directement sur la plage.
- "Tu ne sais pas qu'ils sont "spéciaux". François Mauriac disait déjà qu'ils ne regardaient les gens que pour savoir comment ils les salueraient : d'une inclinaison de tête, d'un simple
sourire ou pas du tout selon leur rang supposé..
- Les gens, oui, on le voit bien quand ils passent ici pour aller à la messe : ils passent sans nous voir comme si c'était eux qui portaient le bon Dieu en confession. Eux,
d'accord, mais leurs chats.
- Quoi leurs chats?
- Tu as vu comme ils sont arrogants, pomponnés?
- Ils ressemblent à leurs maîtres. Que vois-tu d'étonnant à cela? Allons, ne t'inquiète pas. Ils ne restent jamais très longtemps.
- Ce n'est pas une raison pour virer ceux qui sont ici toute l'année.
- Ce n'est pas une raison, je sais, mais c'est une habitude. Après les vacances, tu retourneras sur la plage et même dans leurs jardins, si tu veux.
- Et la voisine qui ne peut pas me voir parce qu'elle dit que je lui mange ses petits oiseaux."
Je regardai fixement cette tête aux grands yeux innocente et lui dis, en plissant les miens :
"Tu ne trouves pas que tu en fais trop maintenant"
C'est alors qu'étirant ses pattes de devant, , sans répondre, mon chat ,sa tête entre les deux ,s'endormit en rêvant de petits oiseaux qui ne seraient qu'au Bon Dieu, et à lui-même.